En France depuis 1983, les hommes homosexuels en étaient exclus. Le don du sang leur était pleinement et absolument interdit du fait des risqués liés au sida. Dimanche, le décret levant cette interdiction a été publiée mais dans des conditions très restrictives : le don du sang est ouvert aux homosexuels n'ayant pas eu de relations sexuelles avec un autre homme depuis douze mois. Pour le don de plasma, il n'est autorisé que pour ceux qui sont dans une relation stable depuis quatre mois ou qui n'ont pas eu de relations sexuelles sur la même période. Malgré ces restrictions, Frédéric et Julien ont fait leur premier don lundi même si pour eux, le combat continue. Ils racontent à Europe 1.
"Je suis heureux de revenir". Sur les photos, il affiche un sourire léger, le poing serrant une petite balle rouge tandis qu'une perfusion est branchée à son bras. Agé de 25 ans, Julien, étudiant en ingénierie et militant au sein du collectif "Homodonneur", a fait son grand retour à l'hôpital pour donner son sang lundi matin. Julien a toujours donné jusqu'à ce jour de 2014 où l'aventure s'arrête. Il se découvre alors bisexuel. "J'ai eu une relation avec un homme et depuis j'étais exclu du don du sang", dit-il à Europe 1. "Je suis heureux de revenir", ajoute-il.
"J'ai milité pour pouvoir donner". Frédéric, 42 ans, est dans une toute autre situation. Avant 2008, celui qui travaille dans une biscuiterie industrielle est hétérosexuel et fervent militant du don du sang. Mais en 2008, il se découvre homosexuel et doit à contrecœur arrêter de donner. "Mais je suis responsable, il était hors de question que je mente", indique-t-il à Europe 1. En 2009, un épisode va pourtant le marquer. On le sollicite pour un don de moelle osseuse car il est donneur compatible, ce qui reste rare, et là c'est la douche froide : homosexuel, on lui refuse son don. "J'ai fait une grève de la faim devant la Maison du Sang pendant quarante jours", se souvient-t-il, avant de partir créer avec d'autres le collectif "Homodonneur", essentiellement basé à Toulouse.
Frédéric, notre coordinateur en plein don de plasma sécurisé. #DonDuSangPourTous#DonDuSangpic.twitter.com/KpmPBbaTrG
— HOMODONNEUR (@HOMODONNEUR) July 11, 2016
Aujourd'hui, en couple depuis 7 ans avec un homme, Frédéric, qui "a milité pour pouvoir donner", s'apprête lundi après-midi à faire un don de plasma. Il ne peut toujours pas donner son sang, les conditions étant "aberrantes".
"Les conditions sont plus qu'aberrantes, c'est une insulte". Les mots ne sont effectivement pas assez forts pour décrire le sentiment d'injustice qui habitent les deux comparses. "Les conditions sont plus qu'aberrantes, c'est une insulte", poursuit Frédéric. "Il veulent nous imposer la ceinture de chasteté ! Un an d'abstinence, même les curés n'y arrivent pas", s'amuse-t-il presque. "Les conditions d'aujourd'hui ne sont pas celles pour lesquelles on s'est battu", renchérit, plus sobrement, Julien.
Frédéric dénonce encore une "opération de communication gouvernementale", "une trahison de la part de François Hollande" qui avait promis d'ouvrir le don du sang aux homosexuels.
"On croise les doigts et on tend le bras". Pour les deux militants, le combat continue donc. Avec un objectif : si l'absence de risques est confirmée, alors les règles se rapprocheront de celles appliqués aux autres donneurs, a promis le ministère de la santé. "Il faut que l'on accumule le plus de suivi et que l'on prouve que l'on est socialement responsable", explique Julien. "On croise les doigts et on tend le bras", conclut ce dernier non sans malice.
Don du sang, don du plasma : quelles différences ?
Le don du sang consiste à recueillir une quantité de sang chez un donneur avec tous ses constituants (les globules rouges, le plasma et les plaquettes). Il va servir à des transfusions et à la recherche médicale. Le don de plasma va lui constituer à prélever uniquement le plasma du donneur et à lui restituer les globules rouges et les plaquettes. Il va notamment servir aux malades qui souffrent de troubles graves de la coagulation ou à des hémorragies aiguës.