À la veille du procès, les parties civiles indiquaient, par la voix de l'un de leurs avocats, avoir "l'espoir d'arriver à la vérité, mais avec une dose de scepticisme". Deux jours plus tard, ce sentiment semble plus que jamais décrire l'ambiance aux assises de la Moselle, où le tueur en série comparaît depuis mardi pour les meurtres d'Alexandre Beckrich et de Cyril Beining, deux enfants de huit ans, commis en 1986 à Montigny-lès-Metz.
Le procès "ne peut plus être équitable". Mardi, au premier jour d'audience, l'accusé anéantit rapidement l'espoir des familles d'entendre d'éventuels aveux. "J'ai commis des meurtres, je le reconnais, mais Montigny, ce n'est pas moi. Ce n'est pas moi !" Pâle, pris de fréquents tremblement, Francis Heaulme se rassoit pour ne plus prendre la parole, laissant à ses avocats le soin de dérouler leurs arguments. Pour Me Liliane Glock, le procès "ne peut plus être équitable" en l'absence d'Henri Leclaire, mis en cause par deux témoins en 2014 puis blanchi par la justice, et en raison de la destruction de scellés dans ce dossier vieux de 31 ans, rendant toute vérification par l'ADN impossible.
"On doit déclarer Heaulme innocent, parce que pas de preuves, pas de procès", poursuit Me Glock, pour qui le parcours de son client, déjà condamné à sept reprises pour neuf meurtres, en fait un coupable tout désigné. "On a mis Francis Heaulme dans le box, ce n'est pas n'importe qui. Mais c'est de la poudre aux yeux." Et déjà, d'esquisser une ligne de défense visant à semer le doute dans l'esprit du jury : "Les jurés des procès Dils ne doivent pas très bien dormir. Vous, vous êtes la voiture balais."
Le retour du fantôme Dils. Au deuxième jour du procès, mercredi le "routard du crime" s'est à nouveau brièvement exprimé pour revenir sur ses déclarations aux enquêteurs, dans une énième illustration de son rapport trouble à la vérité. "En 2014, vous avez (...) indiqué que vous étiez monté sur le talus, que vous aviez vu les deux enfants allongés sur le ballast, morts, et que vous vous étiez penché sur l'un d'entre eux", lui rappelle le président de la cour d'assises, Gabriel Steffanus. "Vous en restez à cette version ?", interroge-t-il."J'ai dit ça mais ça n'est pas vrai. Je suis pas monté (sur) le talus", répond Heaulme, tout en niant avoir jamais menti. "C'est pas vrai."
Dans les heures qui suivent, les débats s'éloignent progressivement du "routard du crime" pour se focaliser sur Patrick Dils, premier accusé dans l'affaire de Montigny-lès-Metz, pourtant définitivement acquitté en 2002. À la barre, le témoin Louis-François Coste, ancien magistrat et avocat général lors du procès qui avait débouché sur cet acquittement, est le premier à faire les frais de cette stratégie. Assailli de questions aux allures de reproches, il est tantôt un "réserviste de l'accusation" pour la défense, tantôt "l'avocat de Patrick Dils" pour les parties civiles.
Puis c'est Patrick Dils lui-même qui se retrouve sous le feu des questions. Interrogé en visioconférence depuis Bordeaux, le quadragénaire répond patiemment à des questions semblant davantage choisies pour un accusé qu'un témoin. "Vous comprenez qu'on puisse encore douter", sème Me Rondu, avocat de la grand-mère de l'une des victimes, convaincue, comme d'autres, de la culpabilité de Dils. "Au même titre que les familles de victimes, je veux savoir la vérité", répond l'acquitté, interrogé près de trois heures durant. Dans le box des accusés, Francis Heaulme n'a, lui, pas prononcé un mot de toutes ces auditions.