Lundi, le Premier ministre a condamné les incendiaires "imbéciles et irresponsables" du centre culturel de Chanteloup-les-Vignes. Des propos bien faibles en comparaison de la gravité des faits, parfois criminels, estime notre éditorialiste Nicolas Beytout.
>> Lundi matin, le Premier ministre Edouard Philippe a fustigé, en marge d'un déplacement en Seine-Saint-Denis, une "petite bande d'imbéciles et d'irresponsables" impliquée dans l’incendie d’un centre culturel à Chanteloup-les-Vignes. Des "imbéciles" ? Pas seulement. Les mots ont un sens. Les actes ne sont rien moins que criminels, et ces individus mettent en danger la paix civile, estime notre éditorialiste Nicolas Beytout.
"Le Premier ministre a déploré ‘ces actes imbéciles et violents’, ajoutant qu’ils étaient le fait ‘d’une petite bande d’imbéciles et d’irresponsables’. Evidemment, ça paraît un peu en deçà de la main en comparaison de l’incendie et de la destruction complète d’un centre culturel, et de la rudesse des affrontements avec les forces de l’ordre qui ont été systématiquement attaquées, comme dans un mauvais film. D’ailleurs, plusieurs dirigeants des Républicains et d’autres du Rassemblement national ont immédiatement condamné les propos d’Edouard Philippe face à des comportements dont certains sont effectivement criminels. Incendier volontairement un bâtiment, c’est du pénal, c’est un crime.
Ces membres de l’opposition dénoncent en fait la faiblesse des propos du Premier ministre. Et Effectivement, comme ces incidents ne sont pas isolés, qu’il y a multiplication des guet-apens tendus aux forces de l’ordre, je me demande pourquoi Edouard Philippe a choisi cette tonalité, au fond assez accommodante. Est-ce pour ne pas rajouter de tension ? Est-ce parce que les jeunes sont en réalité manipulés, et qu’il y a des adultes plus responsables derrière eux. C’est possible, et je le crois volontiers quand j’entends Pierre Bédier, le patron du département des Yvelines (où se trouve Chanteloup-les-Vignes) parler lui aussi de "crétins". Bon, c’est un des meilleurs connaisseurs de la situation sur place, et il ne parle sûrement pas par hasard. Il n’empêche, vu de l’extérieur, et même si ça correspond bien à la façon de s’exprimer d’Edouard Philippe, sans coup de menton, l’effet est assez troublant.
Ça rappelle les déclarations de Jean-Pierre Chevènement, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur : dans des circonstances un peu semblables, il avait parlé de "sauvageons".
Exact. Mais c’était il y a 20 ans, et c’est très intéressant de voir qu’à l’époque c’est la gauche qui s’était offusquée. Elle jugeait le terme offensant pour les jeunes délinquants et elle ne s’était pas privée de critiquer durement l’homme d’ordre qu’était le ministre de Lionel Jospin. Comme vous le voyez, on est aujourd’hui complètement à rebours puisque ce n’est plus la gauche morale qui monte au créneau, mais la droite, parti de l’ordre. C’est un renversement complet de situation qui illustre bien l’évolution de la société.
En tout cas, plusieurs ministres se rendront sur place, à Chanteloup-les-Vignes, aujourd’hui. C’est probablement pour corriger la première impression donnée lundi. C’est sûrement important pour Emmanuel Macron. Le régalien n’est pas le point fort du Président, ce n’est pas là-dessus qu’il est le plus solide. Or, dans le duel qu’il cherche à installer avec Marine Le Pen, ce n’est pas en parlant d'imbécillités pour des actes de cette gravité qu’il marquera des points."