Le 30 mai dernier, un "vade-mecum" de la laïcité a été distribué dans toutes les écoles françaises. Le but : avoir "une référence commune à tous les établissements de France", indiquait alors le ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer à L'Express. Mercredi, le Comité national d'action laïque (CNAL) doit dévoiler une enquête* mettant en lumière ceux qui sont en première ligne face aux problématiques de la laïcité : les enseignants.
Plus de 1.500 enseignants, interrogés par l'IFOP, font part de leurs observations, des obstacles et de leurs difficultés sur le terrain. Le Monde, qui a pu prendre connaissance des résultats, révèle que les cours d'histoire-géographie sont les plus concernés par les contestations (35% des enseignants concernés), mais aussi les cours de technologies ou professionnels (6%), les activités physiques et sportives (32%), l'enseignement du fait religieux (27%) ou les cours de science (22%). L'enseignement moral et civique (20%), qui inclut la "morale laïque" voulue par l'ex-ministre de l'Éducation Vincent Peillon en 2012, et la mixité filles-garçons (22%) font aussi l'objet de contentieux.
Recours à l'auto-censure devant les élèves. Toutefois, relève Le Monde, le dialogue suffit à apaiser les tensions dans la totalité des cas (97%). Moins du cinquième des enseignants qui font face à des contestations expliquent avoir eu recours à des procédures disciplinaires. Toutefois, plus du tiers des sondés admettent avoir déjà eu recours à l'auto-censure devant leurs élèves pour éviter les incidents. Plus de la moitié en zone d'éducation prioritaire.
Crispations autour des fêtes religieuses ou de la restauration scolaire. Le CNAL fait par ailleurs état d'un "score préoccupant" sur les mises en cause de la laïcité en REP (Réseau d'éducation prioritaire qui a remplacé les ZEP en 2015). Elles sont le fait d'élèves (34 % contre 9% hors REP), des parents (22% contre 8%) et de personnels de l'éducation (23% contre 6%). Le Monde indique que d'autres sujets, comme la restauration scolaire, les sorties ou les fêtes religieuses sont aussi propices à crispations.
Quand l'élève ne s'exprime pas. Le secrétaire du SE-UNSA et du CNAL Rémy Charles Sirvent le reconnaît : la méthodologie adoptée pour ce type d'enquêtes fait souvent l'objet de critiques. Selon lui, il faut différencier ce qui relève de "la contestation avérée", de "la provocation adolescente" et ce qui s'explique "par l'ignorance", la "méconnaissance", les "croyances" ou "l'endoctrinement". "Mais le plus dangereux, c'est quand l'élève ne s'exprime pas", explique-t-il.
Un "diagnostic" du ministre attendu à la fin de l'année. Alors que 72% des Français estiment que la laïcité est en danger selon l'IFOP, le ratio est de 59% du côté des enseignants. Si les professeurs expliquent observer une montée des communautarismes, les Français considèrent que le port de signes religieux et que les religions occupent de plus en plus de place. Le ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer, qui doit assister mercredi au colloque du CNAL, avait annoncé la mise en place de "conseil des Sages" de la laïcité, d'"unités laïcité" pour un message : montrer l'intransigeance du gouvernement sur cette question. Mais pour ce qui est de la pratique, repérer les difficultés et comment aider les enseignants, le ministre a promis un "diagnostic" à la fin de l'année.
*L'enquête a été menée auprès d'un échantillon de 650 enseignants, représentatif de la population des enseignants du public, enseignants du primaire au lycée. La représentativité de l'échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, type d'établissement, statut ZEP ou non ZEP de l'établissement et académie). Les interviews ont été réalisées en ligne du 8 au 11 janvier 2018.