Le gouvernement renonce t-il à ses ambitions sur l’égalité salariale, ou s'agit-il d'une simple maladresse ? La loi sur le dialogue social pourrait mettre en péril les outils de lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes au travail. Pour dénoncer ce texte présenté mi-avril par le ministre du Travail François Rebsamen, les associations féministes montent au créneau et invitent le gouvernement à revoir sa copie avant son examen à l'Assemblée, le 20 mai.
Mise à jour >> à 18h, le gouvernement a annoncé un amendement au projet de loi "dialogue social" de François Rebsamen, en réponse aux "inquiétudes" exprimées par les féministes.
Que prévoit la loi aujourd'hui ? A l’origine de la colère des féministes, la suppression, inscrite dans le projet de loi, du rapport de situation comparée dit RSC. Explications. Chaque année, depuis la loi Roudy de 1983, les entreprises de plus de 300 salariés doivent établir un document qui dresse le bilan par sexe des inégalités hommes-femmes. Les sociétés de 50 à 300 salariés doivent, elles, faire un "diagnostic". La répartition des promotions, les écarts de rémunération ou encore le type de contrat signé (CDI, intérim, etc.) sont ainsi observés de près.
Mais au nom de la simplification, ces deux articles du Code du travail permettant ces mesures d'égalité vont être supprimés. "On passe d'une situation où les entreprises étaient obligées de produire un rapport précis fondé sur 27 indicateurs pour analyser les écarts et proposer des actions, à une base de données statistique unique où il sera difficile de les faire ressortir", déplore Caroline de Haas, militante féministe et ancienne conseillère ministérielle de Najat Vallaud-belkacem, contactée par l'Express.
"L’égalité ? C’est réglé, circulez". D'après le projet de loi , chaque entreprise pourra décider des critères qu'elle évalue, ce qui compliquera l'élaboration de données nationales. "Or c'est en montrant ces chiffres que l'on mobilise sur ce sujet, souvent freiné par l'idée que l'on aurait déjà suffisamment avancé sur l'égalité", poursuit Caroline de Haas.
Les associations féministes craignent aussi que cela rende impossible l'application de la pénalité financière (allant jusqu'à 1% de la masse salariale) instaurée à l'encontre des entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d'égalité hommes-femmes.
Osez le Féminisme, La Barbe, le Planning familial, MachoLand … Au total, une dizaine d'associations féministes ont lancé lundi un appel à la mobilisation sur les réseaux sociaux via le #SOS Egalité professionnelle. "Avec ce texte de loi, le gouvernement envoie un message clair : L’égalité ? C’est réglé, circulez, il n’y a rien à voir", peut-on lire sur la pétition, signée par plus de 1.500 personnes lundi midi.
Yvette Roudy parmi les signataires. Parmi les 100 premiers signataires, figure Yvette Roudy, première ministre des droits des femmes, qui fit voter la loi du 13 juillet 1983 sur l’égalité professionnelle hommes-femmes. "C'est tellement énorme qu'on dirait un canular. Peut-être qu'ils ne s'en sont pas aperçus ... Est-ce de l'incompétence ? ", tacle l'ancienne ministre socialiste, interrogée par le Parisien.
Interrogé par iTELE sur cette pétition, le secrétaire d'Etat PS à la simplification Thierry Mandon avait déjà cherché à calmer le jeu, lundi matin. "Si c'est le cas, j'imagine que les parlementaires vont corriger cela, car je ne vois pas une seconde que ce soit l'intention de François Rebsamen". "La simplification, ce n'est pas des droits en moins, c'est l'inverse", avait-il plaidé.