La famille d'une soignante d'un Ehpad du Territoire de Belfort, Patricia Boulak, morte du coronavirus vendredi 24 avril un mois après avoir été diagnostiquée positive, a déposé une plainte contre X auprès du tribunal de Belfort. Ses proches y dénoncent une gestion de crise "désastreuse" de la part de l'établissement durant le confinement.
Dans leur plainte contre X pour "homicide involontaire", "mise en danger de la vie d’autrui" et "non-assistance à personne en danger", qu’Europe 1 a pu consulter, la famille de Patricia Boulak estime que la direction de l’établissement de La Rosemontoise, à Valdoie, dans le Territoire de Belfort, n'a pris aucune mesure visant à assurer la sécurité au travail de la soignante qui présentait pourtant des pathologies - diabète et hypertension - la rendant particulièrement vulnérable au coronavirus.
L’avocat de la famille dénonce un « désastre annoncé » qui a coûté la vie de cette soignante de 53 ans. « Aujourd’hui, ses sœurs ne déposent pas plainte pour faire leur deuil ou se venger, explique Fabien Arakelian, elles déposent plainte pour que la justice fasse leur travail face à ce qui est un véritable scandale de santé public au sein de la crise sanitaire »
La toilette d’une résidente infectée, sans protection
La plainte fait notamment mention d'une réunion en date du 17 mars 2020, au lendemain du confinement, qui fait état des consignes transmises par la direction de l'Ehpad en violation des recommandations du Haut conseil de la santé publique. "Le port du masque de protection est proscrit pour éviter toute situation de psychose au sein de l’établissement, les salariés bénéficiant d’un arrêt maladie sont invités à reprendre leur poste avant même la fin dudit arrêt. Aucune mesure spécifique n’était prise concernant les salariés présentant des pathologies."
Deux jours plus tard, Patricia Boulak confiait à ses sœurs qu’elle avait été "contrainte d’effectuer la toilette d’une résidente atteinte du Covid-19 et ce, sans aucun matériel de protection visant à garantir sa sécurité alors même qu’il lui était impossible de respecter les gestes barrières". La soignante était encore à son poste le 21 mars alors qu’elle présentait les premiers symptômes du Covid-19. Cinq jours plus tard, elle était testée positive à la maladie. Elle mourrait à l’hôpital un mois plus tard, le 24 avril.
Un établissement placé sous tutelle le 6 avril
Les sœurs de la soignante soulignent que la gestion de l'Ehpad avait été pointée à plusieurs reprises depuis le début de l’année. Dès le 21 janvier 2020, la maire de Valdoie adressait une lettre à Agnès Buzin, alors ministre des Solidarités et de la Santé, pour l’alerter sur le manque de moyens mis à la disposition des personnels soignants au sein de la Résidence La Rosemontoise, qui accueille 115 résidents.
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Le 6 avril, la résidence était finalement placée sous tutelle. Le président du Conseil départemental expliquait cette décision "par l’existence de difficultés dans l’encadrement et le management et, d’autre part, par le constat de dysfonctionnements dans la mise en place des mesures de protection contre la pandémie", précise la plainte. Il constatait que "la direction n’a pas pris la mesure de la gravité de la situation". La tutelle a été prolongée le 8 juin dernier par l'Agence régionale de santé.
La gestion de l’établissement dans la crise sanitaire a déjà fait l’objet de deux plaintes. La première, déposée par la maire de Valdoie pour "homicide involontaire, mise en danger de la vie d'autrui et non-assistance à personne en danger" a été classée sans suite par le parquet de Belfort pour une question de forme. La deuxième a été déposée par le fils d’un résident décédé au sein de l’Ehpad, le 28 mars dernier.