Les comptes de l'ENA sont dans le rouge. L'École nationale d'administration a affiché 2,8 millions d'euros de déficit l'an dernier, sur un budget total de 40,8 millions d'euros, notamment en raison de l'élargissement de ses missions qui n'a pas été suffisamment compensé par l'État mais aussi de factures impayées par des "clients", révèle dimanche Le Parisien. "Si rien ne change, l'école, qui dispose encore d'une petite réserve pour éponger, fera banqueroute d'ici quatre ans", prévient le quotidien, qui a obtenu les documents comptables de l'ENA pour l'année 2017 via le think tank libéral iFRAP - lequel a saisi pour cela la Commission d'accès aux documents administratifs.
38 millions d'euros de recettes. Selon ces documents, l'ENA perçoit une subvention de l'État de 31,1 millions d'euros, ainsi que diverses recettes, pour atteindre un total annuel de 38 millions d'euros. Mais ces recettes ne suffisent pas à équilibrer les comptes. Le plus gros poste de dépenses de l'institution est celui lié au personnel, qui s'établit à 30,9 millions d'euros.
10 millions d'euros dédiés aux étudiants. Cette enveloppe sert à rémunérer le personnel permanent (13,8 millions d'euros), les intervenants (2,2 millions d'euros), les stagiaires et les étudiants boursiers (5,6 millions d'euros) ainsi que... les élèves (9,2 millions d'euros). Car à l'ENA, chaque élève est payé 1.682 euros brut par mois pendant ses deux ans de scolarité. Ces salaires des élèves, au nombre de 117 par promotion, "plombent la ligne 'dépenses de personnel'", affirme Le Parisien. De plus, les frais de missions des élèves sont également pris en charge par l'école : l'ENA dépense ainsi chaque année 1,5 million d'euros de frais de déplacements, de repas, de nuitées aux étudiants en stage ou sur le terrain.
Plus de 600.000 euros de factures impayées. Cependant, l'école "n'est pas responsable de tout", souligne Le Parisien. L'ENA a en effet des créances impayées de plusieurs institutions publiques françaises, pour qui elle a organisé des formations, comme l'École nationale supérieure de la police qui lui doit 10.000 euros ou encore l'Association des maires de France qui présente une ardoise de 5.200 euros. De même, plusieurs États étrangers n'ont toujours pas réglé leur facture auprès de l'ENA : le Koweït lui doit ainsi 569.700 euros, le Brésil 31.500 euros, la République dominicaine 22.588 euros ou encore la Jordanie 7.268 euros.
En outre, l'ENA a dû absorber en 2002 l'Institut international d'administration publique, puis en 2005 le Centre d'études européennes de Strasbourg. "L'État lui a imposé de grossir sans vraiment revaloriser la subvention qu'il lui verse", analyse Le Parisien. D'autant que si l'ENA a déménagé ses locaux à Strasbourg, elle a tout de même gardé une antenne parisienne. Une double localisation qui compte dans le budget.
Déficit de 1,4 million d'euros cette année. Interrogé par Le Parisien, le secrétaire général de l'ENA, Thierry Rogelet, reconnaît que l'école est "en difficulté financière", mais souligne qu'elle n'a "pas de dettes". Le secrétaire général table sur un déficit de 1,4 million d'euros cette année, puis 400.000 l'an prochain, avant "un retour dans le vert, à +500.000 euros", en 2020. Pour y parvenir, l'établissement a supprimé 38 postes ces dernières années, plus quatre autres cette année.
Un plan de retour à l'équilibre. Le ministère de l'Action et des Comptes publics a réagi dimanche en rappelant dans un communiqué que "lors de l'arrivée du nouveau gouvernement, le constat d'une fragilité financière de l'école avait été posé". "Dès l'été 2017", le ministre Gérald Darmanin a "demandé à Patrick Gérard, nouveau directeur de l'ENA, de lui faire des propositions en vue d'un redressement durable de ses comptes. Cette demande a donné lieu à un travail approfondi d'analyse" et "les mesures retenues ont été définitivement validées par le ministre en septembre dernier pour mise en oeuvre dès l'exercice budgétaire 2019". Le ministère précise qu'un plan de retour à l'équilibre a été présenté au conseil d'administration de l'ENA le 10 octobre. Les mesures portent "notamment sur la diminution des coûts de fonctionnement de l'école, une modernisation des modalités d'accès à l'école, un recentrage de la formation continue et de l'action internationale, ainsi que sur la dimension immobilière". "Une école dont la mission est d'enseigner la bonne gestion publique doit plus qu'aucune autre être exemplaire", souligne le ministère.