Ultime mobilisation contre la réforme des retraites ? Deux jours après la publication des premiers décrets d'application de la réforme, et à l'avant-veille d'une tentative mal engagée de porter un coup politique à la réforme à l'Assemblée, les syndicats ont appelé à une 14e journée de mobilisation aux allures de chant du cygne. C'est ce qu'a laissé entendre Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT et figure de l'intersyndicale, ce mardi matin sur Europe 1. "On le décidera ensemble, mais probablement que sur le sujet - purement - des retraites, c'est sans doute une des dernières journées de mobilisation et c'est une raison de plus pour y aller", a-t-il confié au micro de Sonia Mabrouk.
"Le match est en train de se terminer", a-t-il confirmé plus tard, avant le départ de la manifestation parisienne. Au total, 250 cortèges étaient prévus sur le territoire, notamment dans des villes moyennes comme Foix, Rouen ou Albertville. Le ministère de l'Intérieur a comptabilisé 281.000 manifestants sur tout le territoire, tandis que la CGT en revendique plus de 900.000, dont 300.000 à Paris.
Les principales informations à retenir :
- 281.000 manifestants en France, selon le ministère de l'Intérieur
- Plus de 900.000 manifestants en France selon la CGT, dont 300.000 à Paris
- Le cortège parisien s'est élancé à 14 heures vers la place d'Italie, 14 personnes interpellées pour port d'arme prohibé
- Peu de perturbations sont annoncées dans les transports publics, sauf à Rennes dû à un blocage
Enquête ouverte à Rennes après une agression contre des militants de gauche
Le parquet de Rennes a ouvert une enquête après la plainte de cinq militants de gauche qui, selon le député LFI Frédéric Mathieu, ont été agressés par "un groupe d'hommes cagoulés" et armés alors qu'ils collaient des affiches. "Durant la nuit du 5 au 6 juin, lors d'une action de collage d'affiches contre la réforme des retraites, un groupe de militant·e·s de la France Insoumise et du Parti de Gauche a été agressé par un groupe d'hommes cagoulés armés de matraques, battes de baseball et bombes lacrymogènes", écrit le député d'Ille-et-Vilaine dans un communiqué.
"Cinq personnes sont blessées, toutes sont choquées par la violence et la rapidité de l'attaque", ajoute Frédéric Mathieu. Le procureur de la République de Rennes, Philippe Astruc, a confirmé à l'AFP que cinq plaintes ont été déposées mardi au commissariat de Rennes. "Une enquête pour violences volontaires en réunion a été confiée à la sûreté départementale de Rennes", a-t-il précisé.
281.000 manifestants en France mardi, selon le ministère de l'Intérieur
Le ministère de l'Intérieur a compté 281.000 manifestants en France, et la CGT "plus de 900.000", soit les chiffres les plus faibles depuis le début du mouvement le 19 janvier. À Paris, la préfecture a annoncé 31.000 participants (moins que les 37.000 du 15 mars et du 16 février), et la CGT 300.000 participants, plancher déjà atteint à deux reprises durant l'hiver. En province aussi les chiffres sont souvent descendus sous les plus bas niveaux précédemment enregistrés : 8.000 à 50.000 manifestants à Toulouse, entre 5.500 et 10.000 à Rennes, ou encore 5.000 à 10.000 à Grenoble.
"Le match est en train de se terminer, qu'on le veuille ou non, avec cette inconnue de ce qui se passera jeudi à l'Assemblée", a reconnu mardi Laurent Berger. Le numéro un de la CFDT a appelé les syndicats à "peser dans le rapport de force à venir" sur d'autres sujets comme les salaires ou les conditions de travail.
"Nous voulons de vraies négociations", a prévenu à ses côtés la numéro un de la CGT, Sophie Binet. Soulignant que "les retraites resteront toujours un combat", elle a mis en avant l'objectif de "gagner des avancées concrètes". "L'intersyndicale va rester unie", a-t-elle ajouté, jugeant "probable qu'il y ait d'autres manifestations au vu de la colère dans le pays".
Des manifestations émaillées de quelques tensions à Rennes et Nantes
Les manifestations contre la réforme des retraites ont réuni mardi plusieurs milliers de personnes à Nantes et à Rennes, où les cortèges ont été émaillés de quelques tensions, ont constaté des journalistes de l'AFP. 20.000 personnes, selon les syndicats, ont défilé mardi à Nantes, tandis qu'ils étaient à Rennes 10.000 selon les syndicats et 5.500 selon la préfecture. À Rennes, sur une grande banderole noire déployée sur un pont enjambant la Vilaine, on pouvait lire "Pas de retrait pas de paix" avec le chiffre "64" barré. "On ne fermera jamais nos gueules", clamait une autre banderole à Nantes.
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Les manifestations dans les deux villes ont débuté dans le calme avant d'être émaillées de heurts à la mi-journée, quand des groupes de manifestants s'en sont pris à des vitrines, entraînant des charges policières. "Les goélands avec nous", ont scandé les manifestants à Rennes, lorsqu'un drone des forces de l'ordre a attiré la curiosité de goélands qui ont perturbé le vol de l'appareil. Le drone a semblé contraint de s'éloigner.
La préfecture a déploré que le long du parcours de la manifestation rennaise on relève "des tags, des dégradations d'agences bancaires et immobilières et des jets de projectiles sur les forces de l'ordre". Ces dernière ont répondu avec l'utilisation "d'engin lanceur d'eau et des lacrymogènes légers".
Pas de "baroud d'honneur", selon les manifestants à Nantes
Cinq interpellations, trois pour une "vérification d'identité" et deux pour "détention de bouclier", ont été rapportées par la préfecture, qui signalait la blessure au genou d'un policier de la BAC. Cette 14e journée nationale de mobilisation contre la réforme des retraites, considérée par certains comme un "baroud d'honneur", intervient deux jours avant l'examen au Parlement d'une proposition visant à abroger le texte. "On doit continuer à mener ce combat, quoi qu'il se passe à l'Assemblée, car où est l'espoir pour les citoyens si les partis abandonnent ?", interroge Guillaume Legru, militant des Jeunes socialistes d'Ille-et-Vilaine.
À Nantes, "on est toujours là", ont scandé les manifestants, qui ont refusé de parler de "baroud d'honneur", a constaté une correspondante de l'AFP. "Je suis dégoûtée de voir que l'on n'écoute pas les gens après des mois de mobilisation. Même si c'est foutu, je suis encore là. (...) Aujourd'hui, c'est le fatalisme qui semble l'emporter. Il va falloir faire avec, et accompagner au mieux les gens dans leurs conditions de travail", a déclaré Mona le Goaëc, une militante de la CFDT, âgée de 55 ans.
14 interpellations à Paris
À 14h30, 2.700 contrôles avaient été réalisés en amont de la manifestation et 14 personnes interpellées pour port d'arme prohibé, selon la préfecture de police de Paris.
Des manifestants occupent brièvement le siège du Cojo
Une soixantaine de militants CGT ont brièvement occupé le siège du Comité d'organisation des jeux olympiques et paralympiques (Cojo) de Paris 2024, mardi à la mi-journée à Saint-Denis, en marge de la 14e journée nationale de mobilisation contre la réforme des retraites. "Plusieurs dizaines de militants CGT se sont introduits dans le siège de Paris 2024 pendant quelques minutes afin de déployer des banderoles contre la réforme des retraites. Cette action a été menée sans violence ni dégradation", a indiqué le Cojo à l'AFP.
Sur une vidéo consultée par l'AFP, on voit des militants de la CGT RATP brandissant des torches et déployant une banderole dans l'atrium du bâtiment, en scandant "pas de retraite, pas de JO". La préfecture de Seine-Saint-Denis a compté une soixante de manifestants, et signale que le Cojo va déposer plainte pour des dégradations mineures: portiques forcés, taches faites par les fumigènes, etc. La CGT RATP n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP. Une délégation du Comité international olympique (CIO) est actuellement en visite à Paris, à un peu plus d'un an du coup d'envoi des JO.
Le cortège parisien s'élance
À Paris, le cortège s'est ébranlé à 14 heures des Invalides en direction de la place d'Italie. Des foules encadrées par 11.000 policiers et gendarmes, dont 4.000 dans la capitale, où un millier de radicaux sont attendus, certains venus de l'étranger. D'ailleurs, selon les informations d'Europe 1, cinq Italiens, interdits de territoire, ont été interpellés ce mardi matin à Aubervilliers par les policiers parisiens, sur indication du renseignement français. Ils sont soupçonnés d'être venus à Paris pour en découdre avec les forces de l'ordre.
Participation en baisse à Lyon
À Lyon, le cortège s'est élancé en fin de matinée. Si la détermination chez les manifestants est toujours présente, ils auront du mal à atteindre les chiffres de participation de la dernière mobilisation. Le 1er mai dans la capitale des Gaules, le cortège avait réuni entre 17.000 et 45.000 personnes.
"Non, ce n'est pas fini. On sait très bien qu' à 64 ans, on ne pourra pas. L'histoire a montré que des lois sont passées sans vraiment être appliquées. Donc je pense que si on continue à tenir bon, on pourra être une locomotive qui montre qu'il ne faut pas se résigner", se motive un manifestant lyonnais de la CGT. "Ce n'est pas un baroud d'honneur du tout. On a un objectif, c'est vraiment cette proposition de loi à l'Assemblée nationale. Donc il faut effectivement qu'elle soit débattue et votée", ajoute un autre manifestant. Personne ne veut entendre parler d'un ultime combat.
Ce défilé emprunte le même parcours que le 1er mai dernier. Il y a un mois, il y avait eu beaucoup de dégradations violentes sur des commerces par un groupe d'environ 800 éléments perturbateurs associés au black bloc. "Vous avez vu mes vitrines ? Une voiture a brûlé et a fait péter mes vitres, a brûlé ma bâche et tout ce qui s'en suit. Je suis très stressée. J'espère que ça va être plus calme", s'inquiète Marina, qui tient un magasin de vêtements. Un drone sera utilisé pour surveiller le cortège, en plus des nombreux CRS et gendarmes mobiles qui sont présents à Lyon.
Peu de perturbations dans les transports
Peu de perturbations sont annoncées dans les transports publics : un trafic "très légèrement perturbé" à la SNCF, avec "neuf trains sur dix" en moyenne, et "normal" en Ile-de-France sur l'ensemble du réseau de la RATP. Un tiers des vols sont annulés au départ de Paris-Orly. À Rennes cependant, une dizaine de lignes de bus sont suspendues en raison du blocage de dépôt par des manifestants, a indiqué le réseau Star. À Marseille, les entrées du lycée Victor Hugo ont été bloquées.
À Paris, la manifestation partira des Invalides à 14 heures vers la place d'Italie. Les syndicats tiendront leur point presse devant l'Assemblée nationale, marquant symboliquement le lien avec la journée de jeudi, au cours de laquelle sera examinée une proposition de loi du groupe Liot visant à abroger la réforme.