Depuis mercredi, la colère des agriculteurs franchit un nouveau cap. La Coordination rurale, l'un des principaux syndicats agricoles de la mobilisation, vise maintenant la grande distribution. Les centrales d'achat de l'enseigne Leclerc d'où partent les camions livrant les supermarchés sont bloquées par les barrages. L'objectif : exprimer à nouveau leur désespoir.
S’ils ont quitté Agen mercredi, la Coordination Rurale a décidé d’accentuer la pression sur le fret alimentaire dans le sud-ouest. Avec le renfort des agriculteurs venus du Lot-et-Garonne, leurs homologues landais et girondins bloquent des plateformes de distribution appartenant à la grande distribution. C’est à partir de ces bases que partent les camions livrant les supermarchés de la région, notamment à Beychac-et-Caillau, entre Bordeaux et Libourne.
Au-delà des revendications sur les aides attendues , la simplification des normes, le Mercosur, il y a des situations individuelles catastrophiques, des finances dans le rouge, des endettements qui gâchent le sommeil des exploitants à bout de souffle.
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"Je n'ai jamais réussi à me sortir un salaire"
"Petit, on en rêve. Grand, on en crève", peut-on lire par exemple sur l'appel de ce tracteur. Un slogan qui en dit long sur la détresse de ces agriculteurs. Sous une pluie fine, sur ce point de blocage de la Coordination rurale, Sébastien, la cinquantaine, viticulteur en Gironde. "Depuis quatre ans, on a perdu plus de 50 % de notre chiffre d'affaires, presque en dépôt de bilan. Comme il y a beaucoup de production, ils achètent à bas prix. "Le tonneau est vendu à 700 euros. Il faudrait arriver au minimum à 1.200 euros pour arriver à vivre", détaille-t-il.
La tristesse se lit aussi dans les yeux clairs d'Aurélie, le bonnet jaune de la coordination rurale sur la tête et des mots empreints de désespoir. "J'ai voulu me lancer dans le maraîchage. Il a grêlé et 90% de ma récolte a été touchée. J'ai demandé des aides auprès la MSA mais les enveloppes sont vides. Ça fait trois ans que je suis installée. Je n'ai jamais réussi à me sortir un salaire", raconte-t-elle.
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"Je suis en dépression parce que je vis avec 300 euros de RSA. J'ai deux enfants et je suis mariée. Mais avant ça, on était viticulteurs avec mon mari. On a tenu cinq ans. On aime la terre et aujourd'hui on en est là", explique Aurélie. Des appels à l'aide et une phrase qui revient souvent : "Notre métier, c'est d'abord une passion, mais là, on en peut plus".