En Occitanie, la colère gronde chez des éleveurs «à bout de nerfs»

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avec AFP / Crédit photo : PATRICK BATARD / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP , modifié à

La grogne reprend dans les campagnes. Les éleveurs se sentent pris en étau entre les maladies qui touchent leurs bêtes et la crainte du traité avec le Mercosur. Les appels à manifester se font de plus en plus entendre pour la mi-novembre et dans tout le pays. 

"Tout nous tombe dessus": quelques mois après une large mobilisation du monde agricole, la grogne regagne la campagne où les éleveurs se sentent pris en étau entre les maladies qui touchent leurs bêtes et la crainte du traité de libre-échange entre l'UE et le Mercosur. Fin octobre, l'image a fait le tour de la région : au milieu des bottes de foin, six agriculteurs du Tarn posent torse nu, bronzage agricole apparent, derrière une banderole proclamant : "L'État est à bout de souffle et nous à bout de nerfs".

Savoir se faire entendre 

"On a voulu faire un peu de buzz pour dire qu'avec les problématiques qu'on a, on n'arrivera plus à vivre et on va finir à poil sur la paille", explique à l'AFP Cyril Bousquet, éleveur dans la vallée du Tarn et président de la section bovins-lait de la FDSEA Tarn. Comme ses confrères présents sur la photo, il s'affaire sur ses terres pour être prêt au moment où il rejoindra les mobilisations prévues à partir de la mi-novembre.

"L'état d'esprit du moment, c'est l'impression que tout nous tombe dessus en même temps, c'est un fardeau qui continue de se charger", estime son confrère Kévin Bleys, qui avait également tombé la chemise pour "faire réagir".

 

Dégâts des maladies

En arpentant les pâturages vallonnés et verdoyants où paissent les bêtes, les deux hommes affichent un sourire en coin lorsqu'on évoque cette photo, mais retrouvent vite leur gravité en abordant leurs difficultés. "Avec les maladies et les accords du Mercosur qui risquent de nous tomber dessus, c'est un gros questionnement de savoir ce qu'on fera demain", résume l'éleveur bovin de 32 ans, adhérent au syndicat des Jeunes agriculteurs.

Les épizooties touchant le bétail se sont multipliées lors des derniers mois avec la fièvre catarrhale ovine (FCO) et ses variants, ainsi que la maladie hémorragique épizootique (MHE), engendrant "près de 15% de pertes sur le troupeau" de Kévin Bleys, et jusqu'à 50% dans certains élevages. Pour Jérôme Bayle, éleveur bovin en Haute-Garonne, l'une des figures des mobilisations agricoles qui avaient marqué le Sud-Ouest l'hiver dernier, les pertes se sont traduites par environ un quart d'avortements parmi les 100 vaches de son troupeau.

Alors que les appels à manifester sont légion pour la mi-novembre sur tout le territoire, l'agriculteur, toujours affublé de sa casquette à l'envers, estime que la signature de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur sera l'élément "qui fera exploser la colère".

Déforestation et OGM

"C'est vraiment un gros handicap pour la profession et même pour notre avenir, parce qu'on sait très bien qu'on ne luttera plus à armes égales", déclare-t-il à l'AFP. Avec cet accord, "on va autoriser aux Français de manger ce qu'on ne nous autorise plus à produire depuis plus de 20 ans en France: du boeuf aux hormones, du maïs OGM, du poulet industriel", déplore le fondateur des "Ultras de l'A64", du nom de l'autoroute reliant Tarbes à Toulouse, bloquée pendant plusieurs semaines cet hiver.

Les négociations avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Bolivie) ont repris ces derniers mois sous l'impulsion de pays européens dont l'Allemagne ou l'Espagne. "On n'aura jamais la force de frappe de ces grands pays qui déforestent, qui utilisent des OGM, des produits phytosanitaires interdits ici", affirme Cyril Bousquet, ajoutant: "Il faut qu'il y ait des normes et des barrières qui fassent qu'on soit concurrentiels sur les mêmes créneaux".

Après les ronds-points bâchés, les panneaux retournés dans de nombreux départements, la mobilisation pourrait franchir un cap en cette fin d'année. "Si jusqu'à maintenant ça a été des mouvements pacifistes et respectueux", Jérôme Bayle n'est pas "sûr que ça dure longtemps : quand on est dans la colère et dans la frustration, tout le monde peut dégoupiller très vite". "L'hiver dernier, on avait marqué à Carbonne (à 40km au sud-est de Toulouse): Ici commence le pays de la résistance agricole. Mais là je pense que ce sera de la révolte", assène-t-il.