Beaucoup de futurs étudiants peaufinent leurs choix pour l'année prochaine. Parmi les potentiels dilemmes du moment, celui de choisir entre une licence et un… "bachelor". On ne vous parle pas du "séducteur" de l'émission éponyme sur M6, mais d'un nom de diplôme, souvent de niveau bac +3, proposé par de plus en plus d'écoles privées. Plusieurs centaines de formations débouchent sur un "bachelor" aujourd'hui, contre quasiment aucune il y a six ou sept ans. Le hic ? Ces nouveaux diplômes, en moyenne facturés 6.000 euros par les écoles, commencent à faire sérieusement concurrence aux universités publiques, qui s'en inquiètent.
De l'ombre aux bonnes vieilles licences. Présentes de plus en plus dans les secteurs du commerce, du marketing, du management ou du journalisme, les formations aux "bachelors" sont souvent professionnalisantes (elles apprennent un métier, et non seulement des connaissances théoriques), tournées vers l'international et très encadrées. Elles sont donc très attirantes pour les étudiants. Selon le journal L'Etudiant, la Toulouse Business School, qui compte l'une des plus grandes promotions d'aspirants "bachelors", a attiré près de 400 nouveaux élèves pour cette formation à la rentrée 2014.
De quoi faire de l'ombre aux bonnes vieilles licences… et faire grincer des dents les présidents des universités publiques. Dans un communiqué, la Conférence des présidents d'université (CPU) s'est récemment inquiétée d'une tendance de création de "bachelors" qui "s'accélère" de façon "anarchique". La CPU demande une clarification à l'Etat, face à une "confusion" trompeuse pour les étudiants. Car s'ils se revendiquent bac +3, les "bachelors" ne sont pas des licences. Or, les licences sont aujourd'hui les seuls diplômes de Bac +3 officiellement reconnus par l'Etat français, selon des critères précis et acceptés à l'international.
Les universités demandent "de la lisibilité". Certaines écoles privées réclament aujourd'hui la même reconnaissance que les licences pour leurs "bachelors". Elles demandent à garder ce terme, plus connu à l'international que celui de "licence". Mais elles veulent le même "grade", la même reconnaissance officielle que la licence française. Le but : gagner en crédibilité auprès des étudiants et leur donner les mêmes droits que les "licenciés" : accès aux diplômes de Masters, aux écoles internationales, etc.
Cette demande a fait bondir les présidents d'université publique. "Pour la lisibilité du système d’enseignement supérieur en France et à l’étranger, la CPU demande que l’Etat affirme clairement, y compris règlementairement, que l’appellation licence est la seule en France pour les formations reconnues par l’Etat de niveau Bac+3", écrivent les présidents dans leur communiqué.
" Des diplômes de qualité hétérogène, au contenu variable "
Au final, ça vaut quoi un "bachelor" ? Et les étudiants, pour leur part, doivent-ils avoir peur du "bachelor" ? Selon la Conférence des présidents d'université (CPU), outre leurs prix exorbitants, la qualité des formations qui débouchent sur un "bachelor" n'est pas toujours au rendez-vous. Les présidents d'universités dénoncent "des diplômes qui se revendiquent de niveau Bac+3 ou Bac+4, de qualité et de reconnaissance hétérogènes, […] au contenu pédagogique variable".
En réalité, il y a différents types de "bachelors". Pour faire le tri entre les formations, plusieurs labels existent. Certains donnent d'ailleurs quasiment les mêmes droits qu'une licence. Le label "Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP)" signifie par exemple que l'Etat reconnaît au "bachelor" un certain degré de qualification professionnelle. L'Ecole qui propose le "bachelor" peut également détenir un "visa" de l'Etat (attention, une école "reconnue par l'Etat" n'a pas forcément de "visa"). Cela signifie que l'Etat a un minimum vérifié le contenu de l'enseignement et que l'étudiant pourra s'inscrire en Master par la suite. Enfin, trois labels donnés par des organismes étrangers indépendants représentent un gage de qualité et de reconnaissance à l'international : les labels EQUIS, AACSB et AMBA.
Une concurrence déloyale ? Pourquoi, donc, de telles formations ne pourraient pas se prévaloir de la même reconnaissance officielle qu'une licence ? Pour les présidents d'université, il s'agirait d'une concurrence déloyale de la part de ces écoles qui leur font déjà de l'ombre. Les universités publiques s'estiment en effet privées des moyens qui leur permettraient de rivaliser : manque de de fonds, interdiction de faire une sélection d'étudiants à l'entrée d'une licence…
"La CPU ne peut pas accepter que l’Etat reconnaisse, voire finance (que ce soit comme diplôme ou comme grade), de nouvelles formations sélectives, payantes […] ouvrant aux mêmes droits que les licences, alors que dans le même temps il est demandé aux universités, seuls établissements habilités à délivrer le diplôme national de licence, d’accueillir en licence tous les bacheliers sans aucun prérequis et avec des niveaux de financement notoirement insuffisants", écrivent les présidents dans un communiqué.
Cité par Le Monde, le secrétariat d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur refuse pour l'instant de donner le grade de licence aux "bachelors". Mais il a tout de même demandé à la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion de réfléchir à des mesures de clarification.