Faut-il réinventer l'humanisme ? Face à la montée des populisme, à la crise sociale, au djihadisme ou aux bouleversements géopolitiques en cours, Patrice Franceschi prône un "humanisme combattant". Dans son dernier ouvrage, Ethique du samouraï moderne, cet écrivain, éternel aventurier (il vient de rentrer d'un voyage en Syrie, auprès des Kurdes), veut proposer un "vade-mecum" dans lequel puiser pour répondre aux crises de notre temps, en s'inspirant de la sagesse des anciens guerriers japonais. Il s'en est expliqué vendredi, au micro de Nikos Aliagas.
Combattre "la domestication dans laquelle on essaie de nous pousser". "Une des maladies de notre siècle, c'est la domination de la raison par les émotions", explique Patrice Franceschi, refusant de voir accoler à son ouvrage l'étiquette "développement personnel". "Ce qui caractérise l'homme, c'est l'emploi de la raison et l'emploi de la liberté. Or, ce qui s'érode aujourd'hui, ce ne sont pas tant les libertés elles-mêmes, mais la volonté de vivre libre. C'est à dire de penser et d'agir par soi-même", théorise-t-il. "J'ai écrit cette Ethique du samouraï pour essayer de redonner cette idée, que le danger qui nous guette, c'est l'idée qu'être libre c'est tellement compliqué qu'il vaut mieux s'en passer".
Patrice Franceschi s'oppose ainsi à ceux qui proposent de "nous dispenser de la plus grande des fatigues, c'est à dire de penser par soi-même. Je pense que la domestication dans laquelle on essaie de nous pousser petit à petit mérite que l'on y réfléchisse et que l'on essaie de trouver des solutions". Et de citer, en guise d'inspiration, le philosophe présocratique Pindare : "Ô mon âme, n'aspire pas à la vie immortelle, mais épuise le champ des possibles".
"Le problème du siècle" : "que va devenir l'être humain" ? Et parmi les solutions, il y a la volonté de redonner à l'humanisme son aspect "combattant", qu'il semble parfois avoir perdu. "Le terme de 'samouraï' veut simplement dire qu'il faut débarrasser l'humanisme des scories qu'on lui a données, c'est-à-dire en faire un humanisme combattant, ce qu'il a toujours été. On ne peut défendre ni une éthique, ni un droit, aucun ne peut exister, s'il n'y a pas une force pour le défendre. Il s'agit, si les orages de l'Histoire se rapprochent [...] de défendre aussi bien son esprit que son corps".
D'après Patrice Franceschi, les crises que connaissent actuellement notre société ont une explication commune, profonde, liée à l'absence de perspectives à long terme. "Avec les nouvelles technologies, la géopolitique, on se demande ce que va devenir l'être humain. Et comme personne ne répond vraiment à cela, que tout le monde est dans le brouillard, cela génère du désarroi, de l’angoisse, et des réactions pas forcément raisonnées. C'est le problème du siècle".