Après la polémique née du vif échange sur le plateau des Terriens du dimanche sur C8 avec la chroniqueuse Hapsatou Sy, Eric Zemmour est l'objet d'une importante attention médiatique. Le polémiste, aux propos souvent polémiques, est invité sur les plateaux de télévision, dans les studios de radio, et se faire la part belle dans les colonnes des journaux.
Dès lors, plusieurs observateurs et commentateurs s'interrogent : faut-il oui ou non accorder à Eric Zemmour - déjà condamné par la justice pour provocation à la discrimination raciale en 2011 et pour provocation à la haine envers les musulmans en 2018 - une telle exposition médiatique ?
La question a été posée chez Wendy Bouchard vendredi matin, à Dominique Sopo, président de SOS Racisme, et à Richard Malka, avocat spécialiste du droit de la presse, qui a notamment défendu Charlie Hebdo dans l’affaire des caricatures de Mahomet.
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"Non", pour Dominique Sopo
"La recherche du buzz, du clash, peut favoriser une série de débats dans lesquels on sait très bien ce que l'on va trouver au regard des invités présents sur le plateau. Quand on invite Eric Zemmour, on sait très bien qu'il va y avoir des propos qui, manifestement, relèvent d'une pensée raciste, qu'ils tombent ou non sous le coup de la loi. Il y a toute une série de propos très violents qui peuvent être aussi qualifiés de racistes sans pour autant que la justice les qualifie comme tels. Par ailleurs, Eric Zemmour a déjà été condamné sur la question du racisme, c'est donc un personnage habitué de ce type de propos.
Thierry Ardisson se justifie en disant : 'Eric Zemmour vend beaucoup de livres'. Je ne suis pas sûr que cela doit être le seul argument que l'on peut mettre en avant pour justifier de l'invitation et de l'organisation de débats sur les plateaux de télévision. Eric Zemmour vend aussi beaucoup de livres parce que, précisément, il est invité à la télévision. C'est un peu le serpent qui se mord la queue. On a le droit aussi, parfois, d'avoir des choix éditoriaux.
Quand on veut faire un débat, on ne peut pas organiser l'hystérisation de ce débat. Le débat ne peut pas se réduire à la circulation des fantasmes que l'on a et que l'on essaie de projeter sur les autres. Dans ce cas, il n'y plus de débat. Il n'y a plus que des fantasmes et de la violence qui circulent dans la discussion."
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"Oui", pour Richard Malka
"Je ne suis pas tout à fait d'accord. D'abord, il y a plein de gens qui sont invités à la télévision et leurs livres ne se vendent pas. Ça veut dire qu'Eric Zemmour touche quelque chose. Ce qui me gêne dans le discours de Dominique Sopo, c'est de dire que la vente de ses livres ne justifie pas qu'il soit invité. Ça, c'est une pente dangereuse. Quels sont les critères pour être invité ou pas ? Qui les pose ? Qui les définit ?
Eric Zemmour a un discours, un récit, il plait ou il ne plait pas, mais il a une audience, il parle à des gens, il dit des choses qui ne sont pas de l'injure du début à la fin. Permettons-lui de s'exprimer, il a ce droit. Après, la justice le condamne ou ne le condamne pas. Mais attention à ne pas vouloir transformer les médias en caisse de résonance de ce que nous pensons être bien ou pas bien.
Ça ne me choquerait pas que quelqu'un dise : 'Pour l'intégration, c'est mieux de porter des prénoms français'. (Pour rappel, dans Terriens du dimanche, Eric Zemmour a dit à Hapsatou que son prénom était une "insulte à la France", ndlr). Ça, c'est vrai ou c'est faux, mais on peut en débattre. Quand on prend à parti quelqu'un pour lui dire 'Votre prénom est une insulte', c'est un propos agressif, dénigrant, humiliant. Et c'est contre-productif, car il se disqualifie lui-même.
Il y a deux systèmes juridiques. Le nôtre, dans lequel il y a un principe de liberté d'expression mais de nombreuses exceptions. Et il y a le système anglo-saxon, et en particulier celui des Etats-Unis avec le fameux Premier amendement, où à peu près tout est permis, sauf les appels au meurtre. Leur idée est complètement inverse de la nôtre : il vaut mieux permettre les expressions violentes parce qu'elles feront repoussoir, plutôt que de lisser un discours dangereux. Est-ce qu'en France, la situation est meilleure, la société est plus paisible ? Je ne suis pas sûr."