Supprimer certaines lignes aériennes intérieures au nom de l’écologie ? C’est la proposition que vont formuler plusieurs députés dans le cadre de l’examen du projet de loi mobilités, actuellement débattu à l’Assemblée nationale. Parmi ces élus figure Delphine Batho, invitée mardi du Tour de la question, sur Europe 1. "Le principe de maintenir ces liaisons aériennes est une aberration écologique, tout simplement", a martelé la députée des Deux-Sèvres au micro de Wendy Bouchard. Sauf que dans certains cas, l’alternative principale, le train, n’est pas forcément à la hauteur…
"Les vols intérieurs dont on parle sont substituables"
"À partir du moment où on peut faire ces trajets en train de manière extrêmement rapide, il n'y a pas de raisons de maintenir ces liaisons aériennes", a insisté Delphine Batho. "Le rôle de la puissance publique est de comprendre qu’on est dans une situation d’urgence pour le climat. Qu’il y a un compte à rebours, qu’on a dix à douze ans pour diviser par trois nos émissions de gaz à effet de serre. On ne peut pas continuer comme avant. Les vols intérieurs dont on parle sont substituables. Il y a d'autres solutions pour faire le même déplacement dans un délai rapide."
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Ce constat, Pascal Perri ne le partage pas. Il y a dix ans, il a écrit SNCF, un scandale français : retards, emplois détruits, manque à gagner, dette secrète, subventions déguisées. "Je conteste le bilan CO2 du train. On ne prend pas en compte les coûts d’infrastructure", estime l’économiste, qui pointe aussi les conséquences possibles pour Air France. "Le transport aérien intérieur a aussi une vocation économique, notamment en alimentant le hub de Roissy. Ce que je crains, c’est qu’en privant Air France de son trafic court courrier, on en vienne à interdire à Air France d’alimenter son hub, ses vols long courrier qui génèrent un peu plus de revenus. On risque de menacer Air France. Et pendant ce temps-là, les compagnies du Golfe notamment, qui bénéficient d’avantages de soft diplomatie, viennent se servir sur notre marché domestique et privent Air France d’une clientèle dont elle a besoin."
"La SNCF organise sa propre dégénérescence"
"Il n’est pas question de supprimer les vols de correspondance", lui a répondu Delphine Batho. "Il est question de supprimer les liaisons aériennes directes en vol intérieur sur des trajets qu’on peut faire raisonnablement en train. Ça ne concerne pas Paris-Tarbes, Paris-Perpignan ou Paris-Nice. Ça concerne Paris-Bordeaux, Paris-Marseille, ainsi de suite…", a poursuivi la députée. "On est dans une situation où le coût kilomètre par passager est de 4 centimes pour l’avion, alors qu’il est de 10 centimes sur le train. L’avion ne paye aucune taxe sur le kérosène, bénéficie d’un taux réduit de TVA sur les vols intérieurs. L’avion ne paye pas l’impact qu’il a sur le climat", a encore affirmé l’élue, plaidant pour la mise en place de "taxations environnementales sur l’avion au bénéfice de ferroviaire". Elle réclame également "de l’investissement pour la remise en état du réseau et la baisse des prix".
Car c’est bien là le nœud du problème. Actuellement, le réseau ferroviaire n’est pas en état de prendre le relais des lignes aériennes. "Le train peut être une alternative. Encore faut-il que ces trains partent et arrivent à l’heure et qu’il y ait des dessertes régulières", souligne Christophe Dubois, co-auteur de Descente aux enfers : vie et mort de la SNCF. "La SNCF organise sa propre dégénérescence : moins il y a de trains, moins il y a d’usagers, moins il y a de recettes et moins on fait circuler des trains. C’est une spirale infernale qui se met en place", explique encore le journaliste. "Il y a en outre un maquis de tarifs (La SNCF a pourtant mis en place une simplification des tarifs depuis le 9 mai dernier, ndlr). Prendre un train aujourd’hui, ça devient un produit de luxe. Il y a enfin un problème d’organisation interne à la SNCF. Tout cela explique la mauvaise qualité de service, qui fait que les usagers se reportent sur d’autres moyens de transport. Car aujourd’hui en France, on a perdu le sens du départ à l’heure."