La nouvelle a été accueillie avec soulagement par les anciens salariés. Le parquet de Paris a demandé, jeudi, un procès pour "harcèlement moral" contre France Télécom et son ex-patron, Didier Lombard. En cause : tout un système, mis en place à la fin des années 2000 par l'entreprise et son ancienne direction, pour déstabiliser les salariés et créer un climat professionnelle anxiogène.
Méthodes brutales. À l'époque, France Télécom doit accomplir une mutation très importante et s'ouvrir à la concurrence. Le groupe prévoit 10.000 changements de métiers pour les personnels et la suppression de 22.000 postes. Didier Lombard, alors PDG, annonce la couleur aux cadres en 2006 : "Je ferai les départs d'une façon ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte." Les méthodes sont brutales. Selon un rapport de l'inspection du travail, certains salariés sont mis au placard, d'autres subissent des mobilités forcées ou sont incités de manière répétée à prendre la porte.
Des dizaine de suicides. À bout, certains employés mettent fin à leur jour sur leur lieu de travail. Comme Rémy L. qui, en avril 2011, s'immole par le feu en laissant une lettre ouverte à son employeur. Dans celle-ci, il dénonce un "harcèlement subi" et une "mise à la poubelle". Encore aujourd'hui, il est difficile d'avoir des chiffres définitifs sur les suicides au sein du groupe. Le parquet en cite 19, quand les syndicats en dénombrent 35 entre début 2008 et fin 2009.
Enfin faire le deuil. Pour d'autres salariés, qui ne sont pas allés aussi loin mais ont été cassés par le système, la perspective du procès est un soulagement. "Cela fait pas mal de temps que tout le monde attend cet événement", souffle Yves Minguy. Cet ancien développeur chez France Télécom, aujourd'hui âgé de 64 ans, a encore "des séquelles psychologiques". "Personnellement je suis encore suivi par un psychologue pour des pertes de confiance, des angoisses", explique-t-il. C'est maintenant au juge d'instruction de décider de l'ouverture ou non d'un procès pour harcèlement moral. S'il devait se prononcer pour, les victimes pourront enfin faire leur deuil, se félicitent les syndicats.