Dans ce 4ème épisode du podcast L’ENVOL, Gaele raconte comment elle a changé sa vie après la naissance de son fils Louis, atteint d'une forme sévère d'autisme.
Gaele avançait dans la vie sans se poser de questions, épanouie dans son travail et dans sa vie privée. Puis Louis est né, et tout a changé après le diagnostic : il est atteint d'une forme sévère d'autisme. Alors elle a quitté son travail pour se consacrer à 100 % à l’autisme. Gaele a créé une strat-up qui conçoit des applications pour aider les enfants autistes dans l’apprentissage. Dans l’épisode 4 de L’ENVOL, le nouveau podcast produit par Europe 1 Studio, avec Ticket for Change et Ground Control, elle nous raconte son histoire.
"À ce moment-là de ma vie, je ne me pose aucune question. Je mène des projets dans un univers que j’aime beaucoup : la distribution de produits culturels. Et puis j’ai deux enfants, à trente ans. Ma vie est tout à fait agréable. Dans cette vie bien lisse, à un moment donné j’ai un drame qui se produit. Mon petit garçon Louis, qui se développe très bien jusqu’à l’âge de 20 mois, perd progressivement tous ses acquis. Un jour, je remarque qu’il ne sourit pas, et qu’il ne sourit pas non plus le soir, puis qu’il ne sourit plus du tout. Quelques jours plus tard, je remarque qu’il n’émet plus du tout de mots. Il ne prononce plus les mots qu’il connaissait comme "maman", "papa" ou "saucisson". À 20 mois, je réalise qu’il est en train non pas de connaître un boom de développement, mais il entre dans une grande phase de régression.
C'est le début de deux ans de galères pour Gaele, sans réponses de la médecine. Le diagnostic finit par tomber : Louis souffre d'une forme sévère d'autisme. Le parcours du combattant est loin d'être terminé.
Nous parvenons à la conclusion que certaines techniques comportementales, basées sur l’analyse du développement de l’enfant, vont aider Louis. Grâce à des techniques qui vont développer sa motivation et son intérêt à faire des choses avec quelqu’un d’autre, nous allons pouvoir aller vers Louis, et Louis vers nous. Nous sauvons notre famille. Louis fait des progrès, il fait ses nuits en un mois et demi. Il devient propre en un mois et demi.
"Travailler était une nécessité, ma seule façon d’exister en-dehors de l’autisme"
Cette prise en charge de Louis, nous l’avons mise en place en famille, avec l’aide de professionnels en libéral qui venaient au domicile. Ceci parce qu’il n’y avait pas de solutions apportées par le système de santé, pas de solutions apportées par l’école. Cette situation n’était pas totalement satisfaisante, donc je me suis engagée, avec l’aide d’une association, dans un projet d’ouverture d’un établissement qui permette à Louis de bénéficier de ces méthodes qui fonctionnent bien.
L’organisation d’une maman qui travaille est très compliquée. À cette époque-là, je suis dans une gestion de l’agenda au quart d’heure près. C’est très peu confortable mais travailler était une nécessité. C’était ma seule façon d’exister en-dehors de l’autisme, puisque par ailleurs, toutes mes soirées, mes matinées et mes week-ends étaient dédiés à la stimulation de Louis.
Certaines personnes ont comparé l’état de stress d’une maman d’enfant avec autisme à l’état de stress d’un soldat sur le champ de guerre. Mon fils est atteint d’une forme sévère d’autisme donc il est tout à fait capable de se jeter par la fenêtre si jamais je prends une douche et que je ne l’ai pas sous surveillance.
"Cette colère… j’avais vraiment envie de la transformer"
Je réalise aussi que les professionnels qui accompagnent Louis n’ont aucun matériel pour travailler. Ils doivent tout fabriquer. Quelle déperdition d’énergie ! Au lieu de dédier du temps à ces enfants qui ont besoin d’interactions, on prépare du matériel.
Cela devient une évidence, il faut fabriquer des outils. De telle sorte que les enfants qui ont des difficultés majeures puissent travailler sans soucis, que ce soit à l’école, à la maison ou dans un établissement spécialisé. Cette colère, qui est celle d’un parent impuissant devant des professionnels de bonne volonté mais peu formés et peu équipés, celle d’un parent qui voudrait que son enfant puisse être un peu comme tout le monde, j’avais vraiment envie de la transformer.
Pendant quelques mois, j’ai dû travailler sur deux projets. J’avais mon projet professionnel dans un grand groupe, et à côté cette idée qui germe. Mais au bout d’un moment, je me dis que j’ai l’esprit ailleurs, je n’arrive plus à mener mes missions correctement pour mon employeur.
"Je décide de quitter un emploi assez rémunérateur, une belle carrière"
C’est une décision qui peut paraître surprenante mais je décide de quitter un emploi assez rémunérateur, une belle carrière, pour me lancer dans cette start-up sociale qu’est LearnEnjoy. Toute seule, pendant trois ans. Aujourd’hui j’ai la chance d’être entourée d’une équipe d’une quarantaine de personnes.
Aujourd’hui nous fabriquons des applications qui prennent le programme scolaire, le décomposent en toutes petites unités d’apprentissage, et permettent aux enfants avec autisme d’accéder à des exercices simples et de stocker leurs résultats. LearnEnjoy est à la fois un éditeur de manuels numériques sur tablettes, un agrégateur de data et un moyen de comprendre comment se développe l’intelligence humaine. Nous travaillons, au quotidien, avec la recherche scientifique pour analyser la manière dont les enfants apprennent le plus efficacement.
J’aimerais avoir les moyens d’expliquer encore plus simplement ce qu’est l’autisme, en quoi accueillir des personnes avec autisme c’est un peu plus compliqué mais ça peut aussi procurer de très belles joies. J’aimerais pouvoir aller partout sans me poser de questions avec mon petit garçon autiste."