C’est le dernier gardien de phare de l’île de Sein, et le dernier gardien de phare en mer de France. Mais Serge Coatmeur, 59 ans, partira à la retraite dans trois mois. Et il ne sera pas remplacé. Car comme il le raconte au micro d'Europe 1, "la mer est en train de gagner". Contre le phare, mais pas seulement : contre toute l'île. De violentes tempêtes, de la houle et des courants marins brutaux, un niveau de la mer qui ne cesse de monter… Voilà l'état climatique catastrophique de l'île de Sein depuis plusieurs années, devenu un laboratoire pour scientifique.
Serge Coatmeur connait ce petit bout de Bretagne d’un demi-kilomètre carré comme sa poche, depuis 20 ans qu'il en observe les changements du haut de son phare, et depuis 40 ans qu'il vit sur l'île. Et il ne reconnaît déjà plus son petit bout de terre de la pointe du Raz, victime du dérèglement climatique.
"Des pans entiers qui ne reviendront jamais". "Ca fait 40 ans que je vis au bord de l'eau. De mémoire de gardien, on n'a jamais vu de tempêtes aussi violentes. On voit des pans entiers de l'île partir en une nuit, cinq mètres qui ne reviendront plus jamais", raconte Serge Coatmeur. Depuis quelques années, à chaque tempête, la houle s’abat sur les maisons, jusque dans le centre-ville de l’île. Les digues, elles, se brisent sous la force des vagues. La mairie a dû lancer des travaux de construction d'un mur de 170 mètres.
"Çà arrive trop rapidement". "On est les premiers gardiens à avoir vu la mer rentrer dans le phare. Il y avait un mètre d'eau. Avant, l'eau ne montait jamais. Avant, il y avait une porte en bois, aujourd'hui elle ne ferait même pas une tempête", témoigne Serge Coatmateur. "On s'aperçoit que la mer gagne. Il y a urgence. Ca arrive trop rapidement. Nous on sait que cela sera violent. Arrivé à 7h du soir, à la pleine mer, l'eau va monter, en cassant", prévient-il encore.
"On ne peut pas se replier". Le problème, poursuit Serge, "est que notre métier va disparaître". Or, le gardien de phare est devenu au fil du temps la meilleure sentinelle de l'île. Capable comme personne de voir venir les désastres. "Depuis 1839, il y a du monde en bout de l'île et en 2015, notre métier va disparaître. C'est un grand dommage. Nous on le ressent le changement climatique. On ne peut pas se replier. On est obligés de se défendre contre le dérèglement, pour survivre", martèle-t-il.