Gérard Collomb, Patrick Strzoda, Michel Delpuech, Vincent Crase… : qui sont les protagonistes au cœur de l'affaire Benalla ?

De gauche à droite et de haut en bas : Alexandre Benalla, Patrick Strzoda, Gérard Collomb, Vincent Crase, Michel Delpuech. © Thomas SAMSON / LUDOVIC MARIN / JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / Naguib-Michel SIDHOM / Ludovic MARIN / AFP
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Thibauld Mathieu avec AFP

La commission d'enquête parlementaire, qui a auditionné le ministre de l'Intérieur et le préfet de police de Paris lundi, cherche à déterminer les rôles des protagonistes impliqués dans l'affaire Benalla.

Plus qu'une simple polémique, c'est la première grande crise du quinquennat Macron. Depuis le mercredi 18 juillet et la révélation par Le Monde de l'affaire Benalla, du nom de ce collaborateur d'Emmanuel Macron mis en examen dimanche pour des violences contre un manifestant, l'enquête progresse pour déterminer les rôles de chacun, du ministère de l’Intérieur à la préfecture de police en passant par l’Élysée. Lundi, les premières auditions ont débuté à l'Assemblée nationale.

  • Alexandre Benalla, l'homme de l'ombre en pleine lumière

Depuis quelques jours, son nom est sur toutes les lèvres : Alexandre Benalla, 27 ans, est le principal mis en cause dans cette affaire qui porte désormais son nom. C'est lui qui a été identifié par le journal Le Monde en train de frapper un manifestant, place de la Contrescarpe, le 1er mai dernier à Paris. L'homme, équipé d'un casque de policier, agissait pourtant pendant un jour de congé, et devait surtout n'avoir qu'un rôle d'observateur. Dimanche, il a été mis en examen pour "violences en réunion", "immixtion dans l'exercice d'une fonction publique", "port public et sans droit d'insignes réglementés", "recel de détournement d'images issues d'un système de vidéo-protection" et "recel de violation du secret professionnel".

 

Diplômé de droit, Alexandre Benalla travaille depuis plus d'un an pour Emmanuel Macron, dont il est le chargé de mission en matière de sécurité. Plusieurs journalistes s'étaient déjà plaints de son comportement "musclé" lors de la campagne présidentielle. Les Jeunes Communistes de Bobigny et Drancy ont quant à eux affirmé dans un communiqué qu'un de leurs camarades "a été frappé après avoir été traîné à l'écart" par l'intéressé en marge d'un rassemblement à Bobigny, en 2016.

Selon plusieurs mails issus des "Macron Leaks", Alexandre Benalla a aussi été rappelé à l'ordre en mars 2017 alors qu'il souhaitait passer "commande d'armes pour le mouvement" (pistolets "gomme cogne", boucliers anti-émeute, etc). Il s'était également vu refuser une autorisation de port d'arme pendant la campagne par le cabinet du ministère de l'Intérieur. Autorisation qu'il a obtenue ensuite via la préfecture de police de Paris.

  • Vincent Crase, l'autre gendarme réserviste du 1er-Mai

Comme Alexandre Benalla, Vincent Crase était présent place de la Contrescarpe, lors de cette fameuse Fête du travail, en qualité d'"observateur". Comme lui, aussi, il a été mis en examen pour "violences en réunion", "immixtion dans l'exercice d'une fonction publique" et "port prohibé d'une arme de catégorie B".

Gendarme réserviste basé dans le département de l'Eure et employé de la République en marche, l'homme était "très ponctuellement mobilisé, comme d'autres réservistes, par le commandement militaire de la présidence de la République", avait révélé jeudi le porte-parole de l'Élysée Bruno Roger-Petit.

Au-delà de ça, Vincent Crase est une bonne connaissance d'Alexandre Benalla. Ensemble, ils avaient notamment créé en 2016 une "Fédération française de la sécurité privée", finalement dissoute en juillet 2017. D'après les "Macron Leaks", Vincent Crase était aussi l'un des prestataires du service de sécurité de la campagne présidentielle.

  • Gérard Collomb, un ministre dans la tourmente

Ministre d’État, ministre de l’Intérieur et numéro deux du gouvernement, Gérard Collomb a été le premier à être auditionné lundi par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Devant celle-ci, l'ancien maire socialiste de Lyon a nié avoir commis une quelconque faute dans la gestion de l'affaire Benalla. Mis au courant de l'affaire dès le 2 mai, il a surtout renvoyé la responsabilité d'éventuels manquements à l'Élysée et au préfet de police. "C'était à eux de prendre les sanctions et éventuellement d'informer les autorités judiciaires", a souligné cet homme fort de la Macronie.

 

Le ministre sera mardi devant la commission d'enquête sénatoriale. De nombreuses personnalités de droite comme de gauche ont déjà appelé à sa démission.

  • Michel Delpuech, le préfet de police de Paris qui renvoie la balle

Le préfet de police Michel Delpuech a lui aussi été entendu lundi par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, où il a notamment rappelé être "sous l'autorité des autorités exécutives".

Après avoir appris l'existence de la vidéo le 2 mai, il a ainsi contacté le ministère de l'Intérieur, qui lui a répondu être "déjà en liaison" avec la présidence de la République, a-t-il assuré. Une version légèrement différente de celle de Gérard Collomb, qui a quant à lui estimé qu'il appartenait au cabinet de la présidence de la République et à la préfecture de police "de prendre les sanctions et éventuellement d'informer les autorités judiciaires".

De même, alors que le ministre de l'Intérieur a contesté connaître Alexandre Benalla, dont il ignorait les fonctions même s'il l'a forcément "croisé" lors de la campagne électorale d'Emmanuel Macron, le préfet a assuré que ce chargé de mission à l'Élysée "était un interlocuteur connu".

 

Avant d’être nommé préfet de police à Paris - en mars 2017, soit avant l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron -, Michel Delpuech avait déjà travaillé avec Gérard Collomb, entre 2015 et 2017, en tant que préfet du Rhône et de la région Rhône-Alpes. "La loyauté envers les élus, c’est l’ADN d’un préfet, et de votre interlocuteur en particulier, il me semble", confiait-il début juillet, rappelle Le Monde. Âgé de 65 ans, il a aussi été, entre autres, directeur du cabinet de Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur (2007-2009) de Nicolas Sarkozy.

  • Patrick Strzoda, directeur du cabinet de Macron et "fusible idéal" ?

Plusieurs fois préfet, fin connaisseur de la Corse et spécialiste des dossiers délicats, le haut fonctionnaire Patrick Strzoda, 66 ans, se retrouve aussi aux premières lignes de l'affaire Benalla. Directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, Patrick Strzoda - prononcer 'Stroda' - a été entendu jeudi comme témoin dans l'enquête préliminaire sur des violences commises par l'ex-collaborateur du président, et le sera mercredi après-midi par la commission d'enquête sénatoriale.

C'est lui, a-t-il dit au Monde, qui a autorisé Alexandre Benalla à participer comme observateur, côté police, à la manifestation du 1er mai. Lui encore qui l'a sanctionné d'une suspension temporaire du 4 au 19 mai et a prévenu des faits le président Macron, alors en Australie.

Qualifié par des commentaires de presse de "fusible idéal", Patrick Strzoda doit faire valoir ses droits à la retraite à compter du 6 octobre 2018, selon le journal officiel du 6 juillet. Son CV indique aussi qu'il a dirigé le cabinet de Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur puis Premier ministre. Nommé préfet de Région d'Ile-de-France, un poste qu'il n'occupera pas, il a rejoint l'Elysée le 14 mai 2017.

  • Les trois policiers, hauts-gradés, accusés d'avoir transmis les vidéos

Ils avaient été suspendus jeudi soir ; ils ont été placés en garde à vue samedi et mis en examen dimanche pour "détournement d'images issues d'un système de vidéo-protection" et "violation du secret professionnel". "Ils", ce sont trois policiers appartenant à la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police de Paris. Ces trois haut-gradés sont soupçonnés d'avoir copié et transmis des images de vidéo-surveillance datant du 1er mai à Alexandre Benalla.

L'un d'eux est chef d'état-major adjoint. Il avait été un temps pressenti pour la direction de la sécurité du Paris Saint-Germain, mais son départ avait été retoqué par la commission de déontologie. Un commissaire présent au moment des faits fait aussi partie des mis en examen. Son rôle consistait à faire la liaison entre la préfecture de police et les forces mobiles. Enfin, le troisième policier est un commandant en charge des relations entre la préfecture de police et l'Elysée.

 

Auditionné lundi après-midi, le préfet de police de Paris a dénoncé des "dérives inacceptables, condamnables, sur fond de copinages malsains" entre Alexandre Benalla et les trois fonctionnaires. L'avocat du commissaire, Thibault de Montbrial, a quant à lui affirmé sur Twitter que son client entendait notamment s'exprimer sur "la proximité [...] entre la plus haute hiérarchie policière et M. Benalla".

  • Philippe Mizerski, le "troisième homme" du 1er-Mai

Place de la Contrescarpe, c'est lui qui était chargé d'encadrer "l'observateur" Alexandre Benalla. Commissaire de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC), Philippe Mizerski apparaît en civil sur les vidéos des violences.

Il avait fait parler de lui au mois de mars, après qu'il avait demandé à des parlementaires de La France insoumise de quitter la marche silencieuse organisée en hommage à Mireille Knoll, cette rescapée de la Shoah poignardée à son domicile.

Le comportement de Philippe Mizerski le 1er mai dernier pose question, lui qui ne s'est absolument pas interposé pendant qu'Alexandre Benalla outrepassait ses droits. L'enquête de l'IGPN, la "police des polices", saisie par Gérard Collomb, devrait faire la lumière sur ce point.

Ces autres personnes auditionnées par les parlementaires :

  • Richard Lizurey, Directeur général de la gendarmerie nationale
  • Marie-France Monéger-Guyomarc'h, Directrice, cheffe de l'inspection générale de la police nationale
  • Frédéric Auréal, Chef du service de la protection
  • Jacques Toubon, Défenseur des droits
  • Alexis Kohler, Secrétaire général de l'Élysée
  • Christophe Castaner, entendu en tant que Délégué général de La République en marche