Des professeurs absents non remplacés, trop de débutants affectés dans les écoles difficiles et un coût du système éducatif qui s'accroît sans amélioration de sa performance : la Cour des comptes dresse un tableau sévère de la gestion des enseignants. Quatre ans après un précédent rapport sur la gestion des 875.000 enseignants que compte la France, la Cour renouvelle son diagnostic, très critique, en espérant que "la réitération d'un certain nombre de constats finira par s'ancrer dans les esprits". Car "avec le temps, les contradictions s'aiguisent".
Parmi les nombreux points soulevés par l'institution dans son rapport 2017, publié mercredi, figure la question des remplacements lorsqu'un professeur est absent. La Cour chiffre à 13,6 millions le nombre de journées d'absence des professeurs dans l'enseignement public en 2014-15. Absences dues à la maladie mais aussi à des missions professionnelles (formations, participations à des examens, etc...). Ces dernières représentent entre 20 et 40% des absences de moins de deux semaines en collège et lycée.
Une répartition inefficace des effectifs. Le taux de remplacement de ces absences "courtes" dans le secondaire est d'un tiers selon le ministère de l'Education, mais de seulement 5 à 20% selon l'enquête de la Cour. Les chefs d'établissement "ne parviennent pas à régler ces situations au sein de l'équipe enseignante", constatent les Sages de la rue Cambon. Dans le primaire, le taux de remplacement est de 80%, indique la Cour.
Autre critique, l'affectation des profs à leurs postes : elle se déroule selon un dispositif trop "rigide" et "ne prend pas en compte la difficulté des postes", regrette la Cour des comptes. Les établissements difficiles reçoivent ainsi "beaucoup d'enseignants débutants et subissent une forte instabilité des équipes". Le nombre de profs débutants dans ces écoles, collèges ou lycées, "a fortement augmenté depuis 2011", à 3.185 en 2016, soit près de deux fois plus qu'en 2011. Ils représentaient 23,6% des effectifs de ces établissements en 2016, contre 20% cinq ans avant.
Retrouvez le rapport 2017 "Gérer les enseignants autrement : une réforme qui reste à faire" https://t.co/48lTrlDADJpic.twitter.com/ossBsFQDN7
— Cour des comptes (@Courdescomptes) 4 octobre 2017
Des "à-coups" politiques qui entravent le développement. La Cour déplore par ailleurs que les politiques sur les effectifs, les rémunérations et le temps de travail des enseignants soient "menées de façon séparée, sans mise en perspective de manière pluriannuelle". En 2007 avec Nicolas Sarkozy puis 2012 avec François Hollande, "la question du nombre des enseignants a été au cœur des débats sur le système éducatif", avec une réduction ou une hausse des effectifs. Ces brusques "à-coups" déboussolent les éventuels candidats au métier d'enseignants, regrette l'institution.
Elle note aussi que la période 2012-2017 "a été marquée par une revalorisation salariale significative" et une nette réduction de l'écart avec les rémunérations des enseignants dans les pays comparables à la France. Mais ces embauches et hausses des salaires "n'ont pas été assorties de contreparties dans les conditions d'exercice du métier, dans l'organisation ou dans le temps de travail".
Marges de manœuvres budgétaires limitées. Ces améliorations doivent être corrélées à une révision des "obligations de service", allant vers une annualisation du temps d'enseignement (il est actuellement fixé sur une base hebdomadaire) et une plus grande obligation pour les profs d'assurer des remplacements de collègues absents. Car "la déconnexion actuelle" entre ces "leviers majeurs de la gestion des enseignants" aboutit à "une situation doublement désavantageuse" pour l'intérêt public selon la Cour.
Les Sages observent que le coût du système éducatif s'accroît sans que sa performance ne s'améliore, et les marges de manœuvres budgétaires apparaissent limitées pour accompagner des réformes jugées indispensables. La Cour appelle à "ne plus dissocier hausse des effectifs ou des rémunérations" d'une "réforme du mode de gestion".