Le jour d’après. Les violents incidents de samedi sur les Champs-Elysées ont donné lieu à 103 interpellations, parmi lesquelles 101 personnes ont été placées en garde à vue. Des dégradations ont également été constatées en région. Ainsi, dans le Var, au Muy, un local commercial de la société d'autoroutes Vinci a été incendié, là même où près d'une centaine de manifestants bloquaient l'entrée de l'autoroute A8.
Interrogé sur ces violences sur Europe 1, Jean-Yves Camus, le directeur de l'observatoire des radicalités à la fondation Jean Jaurès, estime qu’elles expriment une rupture inédite et dangereuse entre les élus et leurs électeurs.
Les violences sur les Champs-Elysées et les postes de péages dégradés dans le Var témoignent-ils d’une radicalisation des "gilets jaunes" ?
"Dans l’immense majorité des cas, il s’agit de l’œuvre de casseurs qui sont venus se greffer sur le mouvement. On savait que les manifestations d’hier étaient infiniment plus à risque que celle de la semaine passée. Comme à chaque fois qu’il y a moins de monde dans un mouvement, les éléments radicaux viennent plus facilement s’y greffer parce que le rapport de force leur est plus favorable.
Il faut signaler que le ministère de l’Intérieur avait pris la sage décision de donner consignes aux forces de l’ordre d’éviter d’aller à l’affrontement. Elles travaillent à flux tendu. Avec le risque terroriste et la mobilisation des "gilets jaunes" qui se termine, les effectifs sont extrêmement sollicités. Le ministère a voulu éviter les situations où ils pourraient être pris physiquement pour cible par des individus qui venaient pour s’en prendre à des biens matériels, mais qui étaient aussi mus par une envie d’en découdre. On a évité hier les accidents graves, les morts.
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Certains députés ont été menacés. Peut-on parler d’une fracture entre le peuple et les élites ?
Cela témoigne d’une exacerbation du rejet des élites que l’on a vu dans d’autres pays. Aux Etats-Unis, il y a eu des quantités d’incidents, de cas ou un individu s’en prend physiquement à un élu, soit parce qu’il déteste les élites en général, soit parce que cet élu, particulièrement, lui semble responsable de sa situation personnelle. Il y a une très grande violence à l’égard des élus dans nombre de pays.
Selon vous, le pouvoir a-t-il pris conscience de l’ampleur du rejet exprimé ?
Je trouve que le rejet est considérable. Il est considérable à un point que les élus ne l’appréhendent que dès lors qu’on vient devant leur résidence privée, et qu’il se fond dénoncer sur les réseaux sociaux. C’est un climat auquel on pouvait s’attendre. L’exaspération tient les élus en bloc, c’est ce qui est grave, alors que l’immense majorité d’entre eux propose des solutions innovantes et fait son travail. Par ailleurs, ils sont élus, c’est-à-dire dépositaires d’une partie de la souveraineté nationale. C’est ce concept qui n’est plus compris."