"Mademoiselle, vous êtes charmante !", "Hé, c'est quoi ton 06 ?"... Pratiquement toutes les femmes ont déjà été interpellées dans la rue. Des "rappels à l'ordre sexué", selon l'expression de la sociologue Marylène Lieber, régulièrement dénoncées par des associations. Elles se mobilisent pour la semaine internationale de lutte contre le harcèlement de rue du 2 au 8 avril. L'objectif est de sensibiliser l'opinion publique face à une violence trop souvent banalisée. En plein jogging, en rentrant de l'école ou en boîte de nuit : trois femmes ont accepté de témoigner pour Europe1.fr du harcèlement qu'elles ont subi.
"Il m'a craché dessus". “Je cours deux fois par semaine à Paris et c’est un véritable calvaire", témoigne Daisy, qui habite à Paris. "Avec une amie, on avait l’habitude d’aller courir autour d’un lac tous les lundis. A chaque fois on croisait un vieux pervers, qui nous disait 'bonjour les gazelles' et nous jetait des regards dégueulasses et lubriques. Une fois en regardant mon amie de haut en bas, il a dit 'il y a de la chair fraîche', en tirant la langue. Je l’ai insulté, et un matin il m’a craché dessus. J’ai cru qu’on allait finir par se frapper", raconte-t-elle. Depuis, la jeune femme et son amie ont restreint leur jogging : elles ne retournent plus courir autour de ce lac le lundi.
"Je vais te faire du bien". Morgane a elle aussi fait l'expérience du harcèlement de rue. "Je devais avoir 15 ans je pense, je rentrais du lycée, je sors de la gare du RER et un homme d’environ soixante ans s'est mis à me suivre, l’air vraiment bizarre", se souvient celle qui a aujourd'hui la vingtaine. "J'ai fini par accélérer parce que je n’avais pas spécialement envie qu’il voie où j’habite, il a accéléré aussi, s'est rapproché de moi et m'a dit 'je vais te faire du bien, je vais te lécher le clito'. Je crois que je l'ai traité de malade. Il s’est mis à hurler dans la rue en répétant les mêmes obscénités", raconte Morgane. "Il ne m’a pas suivie jusqu’à chez moi, peut-être parce que j’ai répondu, mais une fille qui n’aurait pas pu réagir, je ne sais pas trop ce qui se serait passé. C’est une expérience traumatisante parce que j’étais jeune et je me disais mais ‘qui es tu vieux dégueulasse pour me dire des choses pareilles ?’", conclut-elle.
"Il m'a envoyé une grosse claque". Juliette était en train de profiter d'une soirée avec ses amis en boîte de nuit lorsqu'elle a été victime de harcèlement et de violence. "J’étais en train de danser, et j'ai senti que quelqu’un se collait à moi. Un homme se frottait à moi alors qu'il y avait de la place derrière lui, alors je l'ai repoussé. Il a continué de se frotter ses parties contre moi, derrière moi. Je l’ai repoussé par les épaules, et là il m’a envoyé une grosse claque en plein visage. Ça m’a sonné tellement c’était fort. Une copine est allée chercher la sécurité pour le faire sortir, je l’entendais dire au videur que je lui faisais les poches. Les videurs ne l’ont pas cru mais c’était le comble".
Selon une étude du Haut comité à l'égalité femme-homme, 100% des utilisatrices des transports en commun ont été victimes au moins une fois dans leur vie de harcèlement sexiste ou d’agressions sexuelles.
Lancée par le collectif "Stop street harassment", la semaine internationale de lutte contre le harcèlement de rue est suivie par plusieurs associations et collectifs. Des manifestations sont organisées en France :
- L’initiative "Paye ta Shneck", lancée par Anaïs Bourdet - qui a récemment donné une conférence Ted pour expliquer pourquoi elle en avait marre d’être une femme - a publié des visuels et des slogans pour sensibiliser au harcèlement de rue, tels que "quelle que soit ma tenue, je veux marcher en paix", ou "mon corps n'a pas besoin de ton opinion".
- Le collectif Stop harcèlement de rue organise plusieurs actions en France, notamment des marches à la craie (chalk walk) qui consistent à écrire par terre les réponses que des femmes ont faites à des harceleurs. Le collectif diffuse aussi via Facebook des visuels dénonçant des phrases entendues dans la rue : "y'a du monde au balcon", "t'es pas encore à jeter la cougar", et pose cette question : qui manque de tenue dans la rue ?