Un nouveau délit inscrit au Code pénal ? Moins de trois semaines après l'annonce d'Emmanuel Macron évoquant des mesures pour lutter contre le harcèlement scolaire, l'Assemblée nationale se penche sur une proposition de loi cosignée par les trois groupes de la majorité (LREM, MoDem et Agir). Le texte propose notamment d'inscrire le harcèlement scolaire dans la liste des délits.
Près d'un élève sur dix serait concerné chaque année par un harcèlement scolaire qui peut pousser la victime à mettre fin à ses jours, comme en témoignent plusieurs drames récents qui ont ému l'opinion tel le suicide de la jeune Dinah dans le Haut-Rhin en octobre. "Nous ne nous habituerons jamais à ce que des vies d'enfants soient brisées", a lancé le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer, au coup d'envoi des débats en première lecture au Palais Bourbon. Combattre le harcèlement, au nom de la valeur de "fraternité", est "une manière de faire valoir les principes de la République", a-t-il fait valoir.
Jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende
La proposition de loi aborde les questions de prévention, de formation initiale ou continue des adultes pour prévenir et faire face aux cas de harcèlement. Les plateformes numériques auront aussi une obligation de modération des contenus, un "devoir de vigilance" selon Jean-Michel Blanquer. Sa mesure phare consiste en la création d'un délit spécifique de harcèlement scolaire - celui-ci était jusqu'alors sanctionnable sous d'autres chefs dont le harcèlement moral. Le harcèlement scolaire sera punissable de trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende lorsqu'il causera une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours, voire s'il n'a pas entraîné d'ITT. L'âge de l'auteur sera pris en compte. La mesure est durcie si l'ITT excède 8 jours, et pourra même atteindre dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende lorsque les faits auront conduit la victime à se suicider ou à tenter de le faire.
La gauche a de fortes réserves, jugeant que des "sanctions très élevées" ne sont "pas la réponse adaptée", d'après la socialiste Michèle Victory. La majorité verse dans la "surenchère illusoire et démagogique", aux yeux de Sabine Rubin (LFI). Ces élus demandent plutôt "un plan et des moyens pour la médecine scolaire". Si le pénal intervient, "cela signifie que c'est déjà trop tard", a souligné Grégory Labille (UDI), un ancien enseignant qui a plaidé pour briser le "tabou" du harcèlement dans certains établissements.
Une proposition de loi qui s'ajoute aux mesures annoncées par Emmanuel Macron
Le harcèlement est un phénomène ancien mais a été nettement aggravé par le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, passant souvent sous le radar des parents et des adultes. "Les effets de groupe sont amplifiés" et "il n'y a plus de limite, ni de temps, ni d'espace", souligne l'auteur de la proposition de loi Erwan Balanant (MoDem). Alors qu'un certain nombre d'initiatives ont été menées ces dernières années dont la création de numéros d'aide d'urgence, Emmanuel Macron a annoncé la création d'une application d'aide aux victimes de cyberharcèlement, le renforcement du contrôle parental ou la multiplication des lieux d'écoute des jeunes.