Human Rights Watch (HRW) dénonce dans un rapport publié mercredi l'usage "routinier" du gaz poivre par la police contre les migrants à Calais, y compris pendant leur sommeil, des accusations formellement démenties par les autorités.
55 migrants gazés sur 61. "L'usage de sprays au gaz poivre par la police à Calais est tellement répandu que beaucoup de demandeurs d'asile et de migrants avaient du mal à se rappeler précisément combien de fois ils en avaient été victimes", souligne ce rapport intitulé "C'est comme vivre en enfer". Sur 61 migrants interrogés par l'organisation entre fin juin et début juillet, 55 avaient été aspergés au cours des deux semaines précédant l'entretien, et certains assuraient l'avoir été tous les jours, affirme son auteur, Michael Garcia Bochenek.
"Cécité temporaire, difficultés respiratoires...". "Les 55 avaient été aspergés dans leur sommeil", poursuit-il, indiquant avoir parlé à des groupes de "différentes nationalités" rencontrés dans "des lieux différents", mais dont la concordance des témoignages "montre qu'il y a un sérieux problème". Le gaz poivre cause "une cécité temporaire, de fortes douleurs oculaires et des difficultés respiratoires, qui durent en général de 30 à 40 minutes", souligne le rapport. "On est dans des pratiques qui s'inscrivent dans la routine, sans qu'il y ait de sanctions, alors que ce sont des abus graves", contraires au code de déontologie policière et aux traités internationaux relatifs aux droits de l'Homme, dénonce Bénédicte Jeannerod, la directrice de HRW-France.
Des allégations réfutées par le préfet.Ce rapport fait écho aux inquiétudes d'associations liées au durcissement des forces de l'ordre à l'égard des migrants revenus à Calais après le démantèlement de la "Jungle" en octobre. Le préfet du Pas-de-Calais Fabien Sudry a "réfuté catégoriquement les allégations mensongères et calomnieuses" contenues dans le rapport de HRW, qui "ne reposent sur aucun fondement vérifié". "Les forces de police agissent bien entendu sur Calais dans le respect des règles de l'État de droit, avec le seul objectif de faire respecter l'ordre et la sécurité publics", ajoute le préfet.
"Les CRS n'ont plus de contacts avec les migrants". "C'est un dossier à charge", a pour sa part réagi David Michaux, secrétaire national du syndicat UNSA Police chargé des CRS, pour qui "les CRS n'ont plus de contacts avec les migrants". "On les repousse de temps en temps lors des tentatives d'intrusion à l'aide de gaz lacrymo mais c'est de plus en plus rare", a-t-il affirmé. Selon Bénédicte Jeannerod, la police "pulvérise aussi du produit sur leurs sacs de couchage, leurs vêtements", ce qui conduit les migrants à "toujours bouger" pour échapper aux gaz et à ne dormir que "de courtes périodes".
Harcèlement des humanitaires. "Chaque jour, la police nous poursuit. Ils utilisent leurs sprays. Ils nous donnent des coups de pied. C'est ça notre vie, tous les jours", raconte Waysira, un adolescent oromo, une ethnie éthiopienne, cité dans le rapport. "Ces mesures visent à faire fuir les migrants et les dissuader de se rendre à Calais", estime Bénédicte Jeannerod. Le rapport, qui pointe également l'usage de gaz poivre contre des humanitaires, dénonce un harcèlement de ces derniers via des contrôles d'identités répétitifs.
"Des policiers confisquent ou détruisent la nourriture, l'eau et les couvertures, mais ils empêchent aussi régulièrement la délivrance d'une assistance humanitaire, et ce apparemment sans aucun motif légal", regrette HRW.