Idir, 31 ans, est victime de préjugés racistes : "En général, je ne dis rien mais parfois, je perds patience"

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Blagues, demande de désolidarisation à chaque attentat… Idir, Algérien habitant en France depuis sept ans, explique à Eve Roger sur Europe 1 comment il vit la multiplication de préjugés racistes à son égard, qui peuvent même déboucher sur des agressions.

Venu d'Algérie il y a sept ans pour terminer ses études, Idir, 31 ans, a tout de suite été confronté à des préjugés. Au micro Europe 1 d'Eve Roger, jeudi, il raconte ces blagues racistes dont il a été victime de la part de ses collègues, cette incompréhension dans le regard de personnes qui le voient en couple avec une Américaine, et ce mal-être "terrible" qu'il éprouve à chaque fois qu'un attentat est commis sur le sol français.

"J'ai subi plusieurs préjugés. Le plus collant, c'est celui qui voudrait que l'arabe soit un voleur. Il y a une anecdote avec mes collègues au bureau : pour faire une blague et rire tous ensemble, quelqu'un cache le téléphone portable d'un autre collègue, et quand il le retrouve, on lui dit 'tu ne fais pas attention à tes affaires, surtout qu'il y a un arabe ici !' Je sais que ce n'est pas voulu, mais ils ne se rendent pas compte qu'ils sont en train de reproduire des préjugés, même si ce sont des collègues, voire des amis.

En général, je ne dis rien mais parfois, je perds patience parce que ça se répète et que je ne suis pas un voleur. Faire ce genre de blagues pourries, je ne peux pas laisser passer ça. Au début, je voulais essayer de comprendre, même si ce n'est pas fondé.

"Comment ça se fait, un Algérien et une Américaine ?"

Il y a d'autres préjugés : par exemple, ma copine est américaine. Quand on est en soirée avec des amis, on nous pose la question : 'C'est quoi cet accent ? Comment ça se fait, un Algérien et une Américaine ?' C'est le préjugé machiste qui ressort, comme si quelqu'un d'une démocratie comme les États-Unis ne pouvait pas être avec quelqu'un d'une société comme l'Algérie, où le machisme est très répandu. Et ma copine se met plus en colère que moi.

Je pense que la raison pour laquelle ça a marché entre nous, c'est parce qu'au début, elle ne savait même pas où se trouvait l'Algérie. Elle connaissait seulement le Maroc. C'est comme si c'était une page vierge qu'on s'était créés l'un et l'autre dans la tête. Elle a découvert ma famille, la culture, la beauté des paysages, la cuisine… Elle est partie sur ses bases-là, sur la vraie image de l'Algérie.

Pour les préjugés, les gens proches se permettent de me dire ça parce qu'ils me connaissent. Des amis me taquinent parfois, mais je leur fais comprendre qu'ils sont en train de perpétuer un préjugé. J'essaye aussi de ne pas prendre tout au sérieux mais, avec délicatesse, leur faire comprendre qu'il ne faut pas plus non plus exagérer.

Il y a aussi des préjugés en lien avec le drapeau algérien. Lors de la dernière finale de la Coupe d'Afrique des Nations, j'ai été agressé physiquement avec une bouteille, à la tête, par des gens apparemment de l'extrême droite. Avec les insultes racistes qu'ils ont proférées à mon égard, je pense qu'ils étaient de cette couleur politique-là.

Et puis à chaque fois qu'il y a un attentat, on se sent terrible parce que les regards changent vis-à-vis de nous, alors que nous avons souffert de terrorisme pendant plus d'une décennie, en Algérie [dans les années 1990, ndlr]. Dans la ville où mes parents habitent, quand j'étais au collège, j'arrivais à l'école et les gens me racontaient qu'ils avaient croisé des personnes qui avaient été assassinées le matin. J'étais traumatisé par ça. À chaque fois qu'il y a un attentat, tous ces souvenirs remontent dans ma tête. Quand les gens me regardent, comme si je devais me justifier, c'est vraiment terrible."