Si vous êtes en train de lire cet article sur Europe1.fr, à partir de votre ordinateur ou d'un smartphone, c'est que vous n'êtes a priori pas victime d'"illectronisme"... Un mot un peu barbare qui désigne l'illettrisme numérique. Environ 23% des Français ne sont "pas à l'aise avec le numérique", déclarant ne jamais naviguer sur Internet ou bien difficilement, selon une étude CSA* sur l'"illectronisme". Ce taux s'élève à 58% chez les personnes de 70 ans et plus.
"Une nouvelle forme de fracture sociale". Il s'agit d'"une nouvelle forme de fracture sociale", selon Philippe Marchal, président du syndicat de la presse sociale, qui a souhaité "sensibiliser" et "permettre une prise de conscience de l'opinion et des pouvoirs publics" en commandant cette étude.
La plupart des personnes concernées par cet "illectronisme" renoncent à un achat en ligne avec une carte bleue ou à une démarche administrative. Elles se privent alors d'une aide ou d'un remboursement auxquels elles ont droit ou encore à une inscription sur le site de Pôle emploi. Une difficulté qui risque de prendre de l'ampleur dans la perspective de la dématérialisation totale de l'administration voulue par le gouvernement d'ici à 2022.
Une navigation difficile pour certains. Si quasiment neuf personnes sur 10 possèdent une connexion Internet et un équipement leur permettant de s'y rendre (téléphone, ordinateur, tablette), utilisés majoritairement pour rechercher une information ou envoyer un mail, 16% ne vont jamais ou moins d'une fois par semaine sur Internet, et 7% trouvent la navigation difficile.
Pour certains seniors, avec Internet, tout va trop vite. "Le fait que ça touche un peu à l'argent, tout ce qui est administratif, le papier me rassure plus que tout ce qui est fait en ligne", explique Évelyne, 67 ans, au micro d'Europe 1. "Ça va trop vite pour moi qui utilise l'ordinateur pour des choses beaucoup plus basiques. L'administration nous en demande trop et je me sens déconnectée par rapport à la rapidité. Je n'ai pas l'impression de bien maîtriser la situation."
32% d'"abandonnistes". Parmi ceux qui n'utilisent jamais Internet, 42% trouvent cela trop compliqué, 34% n'ont pas confiance dans la protection de leurs données personnelles, mais la grande majorité (70%) invoque, possiblement conjointement, un manque d'intérêt. Par ailleurs, près d'un tiers des Français (32%), que l'étude nomme "abandonnistes", déclarent avoir déjà renoncé, dans les douze derniers mois, à faire quelque chose parce qu'il fallait utiliser Internet.
Ces personnes, qui se retrouvent dans toutes les catégories de la population (de façon équivalente quels que soient le sexe, la catégorie socio-professionnelle, en ville ou à la campagne...), disent renoncer principalement à une démarche liée aux loisirs (55%), mais aussi à des démarches administratives (39%).
Une sensation de décalage. De plus, la moitié des "abandonnistes" déclarent avoir déjà ressenti "une sensation de décalage" avec leur entourage dans l'utilisation de technologies "au point de se sentir seul". Plus d'un sur deux déclare souhaiter "progresser", et la même proportion cherche à se faire aider, la plupart du temps par un membre de sa famille.
*Cette étude a été réalisée en février 2018 par téléphone, auprès de 1.011 Français représentatifs de la population et d'un panel spécifique de personnes âgées de 70 ans et plus (368 au total).