Elles ont été estimées au nombre de 330.000 dans le rapport Sauvé en novembre… Où en sont les victimes d’abus sexuels commis au sein de l’Église, dans leur demande d’indemnisation et de réparation ? Six mois après la mise en place d’instances pour examiner leur cas, et la collecte de 20 millions d’euros auprès des diocèses, seules six personnes ont été indemnisées.
"On est arrivé à un point où il faut que la page se tourne"
En tout, ce sont 900 demandes qui ont été envoyées à l’Inirr, l’instance chargée d’examiner les demandes de réparation. Elle a pu statuer sur 25 dossiers, dont une vingtaine demandant réparation financière, un montant oscillant entre, environ, 5.000 et 60.000 euros. 135 autres victimes sont accompagnées.
Jean-René Nicoleau, président d’un collectif de victimes en Vendée, perd patience. "J'ai été abusé en 1970 par le recruteur du diocèse", raconte-t-il. "Cinquante ans plus tard, j'ai donc fait une demande de réparation à l’Inirr, envoyée en mars dernier", poursuit Jean-René Nicoleau. "J'ai eu un accusé de réception mais c’est tout ce que j'ai eu, et c'est trop lent. C'est-à dire que maintenant, on est arrivé au point où il faut que la page se tourne", déplore-t-il.
La présidente de l’Inirr, Marie Derain de Vaucresson, regrette un "retard à l’allumage" depuis la mise en place de l’instance en janvier. En raison, notamment, de difficultés de recrutement de bénévoles et de salariés. Il fallait en effet trouver les bons profils, à la fois expérimentés dans la petite enfance, la justice et l’accompagnement psychotraumatique.
Une seule personne indemnisée
"L'Instance a été immédiatement très sollicitée et en face, la structuration de l'instance n'était pas au niveau attendu", justifie la présidente. "Donc ça veut dire qu'il faut continuer à être patient parce qu'il va falloir résorber le retard, mais aussi prendre en compte le fait que les nouveaux recrutements, qui arrivent en septembre, permettront à l’Inirr de travailler plus efficacement". Les 25 dossiers traités sont aujourd’hui entre les mains du fonds de "solidarité et lutte contre les agressions sexuelles sur mineurs", mis en place par l’Église, qui a donc pour l’instant indemnisé six personnes.
Arnaud Gallais, co-fondateur de l’association Prévenir et Protéger, demande, lui, réparation auprès d’une congrégation. Un processus lent puisque, dans ce cas-là, une commission indépendante se charge de mettre d’accord victimes et ordre religieux sur le montant. "J'ai eu des prises de contacts, en lien avec mon avocat, et on n'a pas eu de retour pour le moment en termes d'indemnisation, ni même de rendez-vous ou quoi que ce soit", rapporte Arnaud Gallais. "Je ne sais pas du tout aujourd'hui où ça en est, c'est très flou."
Pour l’instant, une seule personne a reçu de l’argent dans ce cadre. Les dossiers étant traités congrégation par congrégation. La commission assure cependant que la moitié des 400 situations portées à leur connaissance sont en ce moment analysées, ce qui peut prendre plusieurs mois.