Elle a utilisé au moins trois identités de combattant et séduit ou convaincu une quinzaine d'apprentis djihadistes qu'elle incitait tantôt au départ en Syrie, tantôt à commettre des attaques en France. La personnalité d'Inès Madani, aujourd'hui âgée de 21 ans, sera au cœur du procès de l'attentat raté des bonbonnes de Notre-Dame, qui s'ouvre lundi à Paris. Au côté du "commando de femmes" arrêté en 2016, elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle".
"Une très grand solitude physique et affective"
Post-adolescente en surpoids, déscolarisée, timide, Inès Madani est d'abord embrigadée par une voisine très radicalisée, qu'elle admire. "C'est un processus complexe", estime son avocat, Me Laurent Pasquet-Marinacce, évoquant une rencontre "décisive". Lorsque sa voisine part en Syrie, Inès Madani ambitionne de la rejoindre. Mais elle échoue et se réfugie dans la djihadosphère.
Derrière son écran, dans une impasse pavillonnaire de Tremblay-en-France, la jeune femme, tout juste majeure, devient alors un séducteur, dominateur et manipulateur. Elle possède jusqu'à quinze lignes de téléphone pour faire vivre ce double virtuel, un soi-disant combattant rentré de Syrie. "Son environnement amical est inexistant, il y a une très grande solitude physique et affective, un très grand isolement au sein-même de sa famille", analyse son conseil. "Cela va lui permettre de vivre dans le virtuel des relations affectives qu'elle ne parvient pas à nouer dans la réalité."
"J'étais dans une secte, dans un état second"
"Et puis, il y a des consignes qui vont lui être données à distance, par des hommes en Syrie", souligne Me Laurent Pasquet-Marinacce. Rachid Kassim, "inspirateur" de plusieurs attaques commises sur le sol français et présumé mort en Syrie, fait partie des accusés du procès qui doit durer jusqu'au 11 octobre. Manipulée ou pas, c'est par le biais de ce "profil" virtuel que la post-adolescente rencontrera Ornella Gilligmann, une trentenaire radicalisée avec qui elle ralliera Paris pour y abandonner une 306 contenant six bonbonnes de gaz avant de tenter de la faire exploser.
"J'étais dans une secte, dans un état second", estime aujourd'hui Inès Madani. Dans son expertise, le psychiatre note que la jeune femme a fait preuve d'une grande habileté pour faire durer le subterfuge : certains de ses interlocuteurs ont encore du mal à admettre que ce djihadiste qu'ils ont admiré n'ait jamais existé. "Je pense que c'est encore assez mystérieux pour elle, la manière dont elle s'est laissée prendre dans cet engrenage", avance encore l'avocat de l'accusée. "Aujourd'hui, c'est-à-dire près de trois années après, pour reprendre l'expression du psychiatre qui l'a expertisée, je crois qu'elle regarde celle qu'elle était à l'époque avec étrangeté."