Deux ans après sa condamnation à dix ans de réclusion criminelle pour le meurtre de son mari violent, Jacqueline Sauvage va-t-elle enfin retrouver la liberté ? Le parcours judiciaire de cette sexagénaire, érigée en symbole des femmes victimes de violences conjugales, pourrait connaître son épilogue devant la cour d'appel de Paris, qui examine sa demande de liberté conditionnelle, jeudi.
Deux condamnations et une grâce partielle. Le 10 septembre 2012, Jacqueline Sauvage a tué son époux de trois coups de fusil dans le dos à la Selle-sur-le-Bied, dans le Loiret. En première instance comme en appel, la cour d'assises de Blois l'a condamnée à dix ans de prison, écartant, dans les deux cas, toute préméditation, mais refusant de délivrer un "permis de tuer", selon les mots de l'avocat général. L'époux de Jacqueline Sauvage avait battu et violé sa femme pendant 47 ans. Il avait fait subir les mêmes sévices à leurs trois filles et leur fils, qui s'était suicidé la veille du meurtre.
De manifestations en pétitions, la condamnation a suscité une vague d'indignations dans le pays. De nombreuses personnalités se sont engagées aux côtés de Jacqueline Sauvage, à l'image de la comédienne Eva Darlan, présidente de son comité de soutien. Deux mois après la confirmation de sa peine, la sexagénaire a entrevu, pour la première fois, l'espoir d'une libération : qualifiant leur père d'homme "violent, tyrannique, pervers et incestueux", ses filles avaient adressé un recours en grâce présidentielle pour leur mère. Le 31 janvier dernier, affirmant son souhait de "rendre possible, dans les meilleurs délais, le retour de madame Sauvage auprès de sa famille", François Hollande lui a accordé une "remise gracieuse" de peine. Une réduction correspondant à sa période de sûreté et permettant à la sexagénaire de déposer une demande de liberté conditionnelle.
Nouvelle stratégie en appel. Mais, contre toute attente et malgré les réquisitions favorables du parquet, cette demande a été rejetée par le tribunal d'application des peines de Melun, au mois d'août. Écartant le risque de récidive, la justice a toutefois estimé que Jacqueline Sauvage devait "poursuivre sa réflexion sur son passage à l'acte". Une décision interprétée par les avocates de la sexagénaire comme un "véritable acharnement judiciaire" de la part de magistrats qui "probablement, règlent leurs comptes car la grâce présidentielle a été extrêmement mal perçue par l'ensemble de la profession". Mes Nathalie Tomasini et Janine Bonaggiunta décrivaient alors une cliente "épuisée".
Après y avoir dans un premier temps renoncé, Jacqueline Sauvage a pourtant décidé de faire appel de ce refus, optant pour une stratégie apparemment plus adaptée aux recommandations des juges. Devant la cour d'appel, la mère de famille pourrait ainsi présenter un nouveau projet de libération, avec, notamment, un autre domicile que celui qu'elle avait choisi. Situé dans le Loiret, à 12 km du lieu des faits, il avait semblé inadapté à la justice, qui craignait qu'elle ne se maintienne "dans une position victimaire."
Volonté d'aller de l'avant. Auprès de la commission d'évaluation pluridisciplinaire qui s'est penchée sur son cas avant l'audience, la mère de famille a tenté de faire valoir le travail psychologique effectué en détention. "Elle ne souhaite pas s'inscrire dans une association de femmes victimes de violence et ne semble pas vouloir être un symbole de la lutte des violences faites aux femmes", relevait déjà le tribunal d'application des peines, au mois d'août. Au cours de cette nouvelle audience, qui doit se tenir à huis clos, Jacqueline Sauvage devrait insister sur cette volonté d'aller de l'avant.
Signe de ce changement : le comité de soutien de la sexagénaire a considérablement réduit son activité publique, décidant de ne plus faire "aucune déclaration à la presse" jusqu'à la décision de la cour d'appel afin de "laisser les magistrats prendre leur décision en toute sérénité". Les deux avocates de Jacqueline Sauvage se sont également tenues en retrait en amont de cette audience décisive.
Permission de sortie. Au début du mois d'octobre, la détenue a bénéficié d'une permission de sortie de cinq jours, passée aux côtés de l'une de ses filles, en toute discrétion. Le but : se ressourcer en famille, mais aussi convaincre les juges de sa capacité à purger sa fin de peine hors de prison, avec, dans un premier temps, un bracelet électronique. La sortie, qui s'est bien déroulée, constituera un élément positif supplémentaire dans le dossier examiné jeudi. La cour d'appel rendra sa décision le 24 novembre.