Il y a 20 ans, jour pour jour, la loi sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires à l’école était promulguée. Une loi visant à clarifier la notion de laïcité, en particulier vis-à-vis du voile. Au micro d'Europe 1, l'ancien principal du collège Gabriel Havez dans l'Oise, Ernest Chénière, se souvient de ce jour où il a refusé l'entrée dans son établissement de trois lycéennes voilées.
Après 15 ans de débats, la loi sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires à l’école était promulguée le 15 mars 2004. Une loi visant à clarifier la notion de laïcité, en particulier vis-à-vis du voile. En effet, la question du foulard est apparue en France en 1989, à Creil, dans l’Oise, au collège Gabriel Havez, lorsque trois adolescentes tentent d’y entrer en portant un voile. L'accès à leur salle de classe leur est refusé par le principal de l’époque, Ernest Chénière.
Malgré les menaces qu’il reçoit, et le manque de volonté politique pour trancher le débat, il tient bon. Pour Europe 1, ce chef d’établissement à la retraite de 89 ans se replonge dans ses souvenirs. Europe 1 l’a rencontré chez lui, près de Montargis dans le Loiret.
"Toute la France était vraiment émue de cette affaire"
"C'est une affiche qui avait été posée pour me soutenir parce que moi, j'ai été attaqué de partout." Ernest Chénière conserve, de son passage à Creil, une malle au fond de sa cave, remplie d'affiches, de coupures de presse et de lettres d'enseignants qui saluent son courage. "C'est toute la France qui était vraiment émue de cette affaire", se rappelle-t-il.
Il se souvient de cette rentrée de septembre 1989. "C'est au bout de quelques semaines qu'il y a trois filles qui arrivent voilées. J'ai convoqué les trois jeunes filles. J'étais dans mon rôle, je leur ai expliqué que l'établissement était un établissement laïque. Au retour des vacances qui suivaient, elles sont venues avec leurs voiles, bien déterminées à s'engager dans un affrontement dur. J'en ai fait part à la hiérarchie. Le ministre Jospin, à l'époque, m'a envoyé un courrier disant qu'il fallait ramener le calme et la paix, mais c'était en fait exercer une pression sur moi", admet-il.
"J'ai échappé à la mort"
Un soir, alors qu'il promène sa chienne, il se fait agresser. "J'ai échappé à la mort. Vous n'oubliez pas des choses comme ça... Ça a pris trois mois cette affaire-là", confie-t-il. C'est alors le roi du Maroc qui y met fin en convainquant en personne les familles de renoncer à ce bras de fer. Mais les contentieux ensuite sur le voile se multiplient en France jusqu'à la clarification de la loi en 2004. Selon un sondage publié cette semaine dans Le Figaro, 78% des Français considèrent, comme le Premier ministre, que la laïcité est menacée en France.