La crainte d'une fuite des soignants en cas d'obligation vaccinale : "On n'arrive déjà pas à recruter"

  • Copié
Joanna Chabas et Jean-Gabriel Bourgeois , modifié à

L'hypothèse d'une obligation de vaccination contre le Covid-19 pour les personnels soignants inquiète alors que seuls 57% des professionnels en Ehpad et 64% de ceux dans les hôpitaux sont vaccinés. Interrogés par Europe 1, certains se disent prêts à changer de métier s'ils doivent être contraints de recevoir l'injection.

La vaccination contre le Covid-19 sera-t-elle bientôt obligatoire pour les soignants en France ? Le Premier ministre, Jean Castex, doit en débattre jeudi avec les associations d’élus. Pour l'instant, 57% des soignants en Ehpad sont vaccinés, et 64% des professionnels dans les hôpitaux le sont également. Mais certains soignants refusent catégoriquement le vaccin, et s'inquiètent d’une possible obligation. Certains envisagent même de quitter le métier, comme ceux qu’Europe 1 a pu interroger à Montbard, au Centre Hospitalier de la Haute Côte-d’Or, mais aussi dans un Ehpad du Lot.

Au Centre Hospitalier de la Haute Côte-d’Or, environ un soignant sur deux n’est pas vacciné. Les raisons invoquées ? Le sentiment de ne pas être concerné par le virus, une inquiétude face aux effets à long terme du vaccin, ou tout simplement la liberté de choix. Mais parfois, ce sont aussi des arguments complotistes qui reviennent dans la bouche de certaines personnes. "Tant qu’on ne m’aura pas démontré que le virus existe, que ce n’est pas une manipulation, que ce n’est pas organisé, je suis contre totalement !", nous martèle une aide-soignante. "Pour l’instant il n’est pas obligatoire donc tant qu’il n’est pas obligatoire je ne le fais pas, après s’il devient obligatoire je verrai."

Quitte à changer de métier

Alice, aide-soignante également, s’est fait vacciner mais pour pouvoir voyager à l’étranger. Pour son travail, elle aurait dit non. "Si on m’avait obligé à faire le vaccin, j’aurais refusé et j’aurais changé de métier", avance-t-elle. "On n’a pas à obliger quelqu’un à se faire vacciner." Elle assure que certains de ses proches, travaillant également dans le milieu médical, sont prêts à quitter leur travail en cas d’obligation vaccinale.

Ces menaces sont prises très au sérieux par la direction. Pascale de Bernard gère l’un des sites de l’hôpital, favorable à la vaccination des soignants, elle a peur néanmoins qu’une obligation rende l’embauche encore plus difficile. "On a 11 postes vacants d'infirmiers, 11 postes vacants d’aides-soignants qu’on n’arrive déjà pas à recruter. On a déjà de grandes tensions, ça va ajouter de la complexité à la complexité." En attendant, elle préfère la pédagogie, et demande aux médecins de rassurer et de convaincre leurs équipes de soignants. 

"Si je ne me fais pas vacciner que va-t-il se passer ?" 

Également interrogée par Europe 1, Frédérique, une aide-soignante en Ehpad dans le Lot, estime que se faire injecter le vaccin doit rester un droit et non un devoir. "Je n'ai pas envie de me faire vacciner mais malheureusement on ne va pas avoir le choix", déplore-t-elle. "On nous a annoncé que si nous ne sommes pas plus de 80% de salariés vaccinées, on nous demanderait de le faire", rapporte-t-elle. "En ce moment, je suis en vacances et je me tâte puisque de toute façon quand je vais revenir, je sais très bien qu'on m'obligera à le faire. J'ai des collègues qui ne se sont pas fait vacciner non plus. Si je ne me fais pas vacciner que va-t-il se passer ? Je pers mon boulot ?", interroge encore Frédérique.

Interpellée sur ce point par Europe 1, la ministre du Travail Élisabeth Borne a rappelé que l’obligation vaccinale existait déjà dans plusieurs professions contre certaines maladies. "Quand on a une obligation de vaccination et qu’on ne la respecte pas c’est une faute, qui peut entrainer des sanctions disciplinaires allant jusqu’au licenciement", a-t-elle expliqué.