Une justice "déshumanisée" servant une "logique purement comptable" : vent debout depuis des mois contre le projet de réforme de la justice, les avocats se mobilisent à nouveau jeudi dans toute la France, à la veille de l'adoption prévue du texte à l'Assemblée nationale.
Une réforme critiquée. Le texte porté par la garde des Sceaux Nicole Belloubet entend moderniser une institution à bout de souffle, avec des tribunaux engorgés et des prisons surpeuplées : elle se veut "globale et concrète", au service d'un citoyen qui attend de trop longs mois pour être jugé ou obtenir réparation. Si l'adoption d'une loi de programmation, qui aura fait progresser le budget de la justice de 6,7 à 8,3 milliards entre 2017 et 2022, est bien accueillie sur le principe, les grands axes de la réforme, qui prône une révolution numérique et la "simplification des procédures" civile et pénale, sont vertement critiqués.
La fronde pourrait par ailleurs se nourrir de l'annonce surprise de Nicole Belloubet mercredi sur un sujet hautement sensible : la garde des Sceaux a, pour la première fois, fait part de sa volonté d'utiliser son projet de loi pour permettre une réforme par ordonnances de la justice des mineurs afin notamment de les "juger plus vite".
80 barreaux sur 164. Avant même cette annonce choc, plus de 80 barreaux sur 164 avaient voté la grève mercredi soir et au moins une centaine devrait rejoindre le mouvement jeudi matin. Les principaux syndicats de magistrats ont apporté leur soutien au mouvement.
"De l'huile sur le feu". "Nous étions arrivés après de longs mois de discussions à un texte qui ne nous satisfaisait pas dans sa philosophie, mais sur lequel il y avait eu des avancées. Deux éléments ont mis de l'huile sur le feu", a expliqué Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux (CNB), qui représente les 68.000 avocats de France.
Principaux griefs : la fusion des tribunaux d'instance (TI, rebaptisé "tribunal de proximité") et des tribunaux de grande instance (TGI) et une réforme pénale qui renforce encore les pouvoirs du procureur, au détriment du juge et des droits de la défense, selon avocats et magistrats.