Lundi, le tribunal de Paris doit rendre son jugement à l'encontre des laboratoires Servier et de l'Agence du médicament dans le procès du Mediator. Sur Europe 1, la lanceuse d'alerte Irène Frachon, qui avait révélé le scandale sanitaire en 2010, dit attendre "que l'on dise enfin les faits et la vérité". Et regrette que le laboratoire ait toujours pignon sur rue.
Plus de dix ans après le scandale, le procès du Mediator, ce médicament tenu pour responsable de centaines de décès, touche à sa fin. Lundi, le tribunal de Paris doit rendre son jugement à l'encontre des laboratoires Servier et de l'Agence du médicament au terme d'un procès hors-norme ouvert en septembre 2019 et clos en juillet 2020. L'accusation reproche depuis des années aux laboratoires Servier d'avoir dissimulé les dangereux effets secondaires du médicament utilisé par 5 millions de personnes jusqu'à son retrait du marché en 2009. En 2010, c'est la pneumologue Irène Frachon qui avait révélé le scandale sanitaire au grand public. Invitée d'Europe 1, celle qui continue aujourd'hui d'accompagner des victimes confie ses attentes. "Il faut punir à la hauteur de la gravité des faits", dit-elle.
"Ce jugement, on l'attend depuis des années, puisque le procès a été annoncé chaque année à partir de 2014, et ça a été reculé du fait des manœuvres dilatoires de la défense du laboratoire", explique Irène Frachon. Tout d'abord, poursuit-elle, "nous attendons pour les victimes, pour leurs proches et pour les victimes survivantes, que l'on dise enfin les faits et la vérité face à un inébranlable mensonge des laboratoires Servier".
"Le Mediator a altéré la confiance du grand public"
"La deuxième chose, c'est qu'il faut qualifier ces faits. S'agit-il d'une simple erreur du laboratoire Servier ? Ou s'agit-il d'un affreux délit, c'est-à-dire la mise sur le marché et le maintien pendant des dizaines d'années d'un produit dont Servier savait parfaitement que c'était un poison mortel ?", dit encore la lanceuse d'alerte. Enfin, réclame-t-elle, "il faut punir à la hauteur de la gravité de ces faits". Car "l'affaire du Mediator a profondément altéré la confiance du grand public envers l'industrie du médicament et envers la capacité des autorités de santé à discerner les bons et les mauvais médicaments".
Pour Irène Frachon, ce procès longtemps attendu "va clarifier un petit peu les enjeux. C'est-à-dire qu'il ne faut pas mélanger ce qui relève de la pharmacovigilance et ce qui relève de la 'pharmaco-délinquance'". Car "le problème du Mediator n'est pas un problème de difficulté à identifier un signal, c'est que ce signal a été dissimulé", ajoute-t-elle.
"Pour Servier, c'est 'business as usual'"
Sur Europe 1, la pneumologue s'indigne de voir le manque de réaction du monde médical face aux laboratoires Servier. "Les victimes sont complètement effarées de voir que le laboratoire Servier a toujours pignon sur rue et est toujours accueilli à l'Académie de médecine par des sociétés savantes, noue des partenariats avec l'Ecole polytechnique, etc", s'agace-t-elle
"Les autorités de santé se sont quand même largement réformées par rapport à leurs faiblesses de ces périodes-là", convient Irène Frachon, "mais il faut aussi que le monde médical, qui est encore massivement arrosé par l'argent de Servier, apprenne lui aussi et sache mettre à l'écart ce laboratoire. Depuis que l'affaire du Mediator a éclaté, pour Servier, c'est 'open bar', c'est 'business as usual'. Si notre monde de la santé peut continuer à dealer avec des labos délinquants, on ne peut plus croire personne. C'est ça l'enjeu", martèle Irène Frachon.