Le gouvernement a déposé jeudi à l'Assemblée son amendement sur la justice des mineurs, dans lequel il justifie sa demande d'habilitation pour réformer l'ordonnance de 1945 par la complexité de ce texte et son "décalage avec l'évolution de la délinquance des mineurs". La ministre de la Justice Nicole Belloubet a créé la surprise mercredi en annonçant sa volonté de réformer par ordonnance le texte fondateur de la justice des mineurs avec la création "d'un code de justice pénale des mineurs". "L'ordonnance du 2 février 1945, modifiée à de très nombreuses reprises, s'est complexifiée et a perdu de sa cohérence", justifie le gouvernement dans l'exposé de son amendement au projet de réforme de la justice, examiné en première lecture.
Simplifier la procédure, accélérer le jugement... Il explique vouloir en conséquence "simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs, accélérer leur jugement, renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires (...) avant le prononcé de leur peine et améliorer la prise en compte de leurs victimes". "Le corpus juridique (...) est peu compréhensible pour les mineurs et leurs familles. Il est même devenu difficilement utilisable par les professionnels du droit", souligne le gouvernement, pour qui le texte apparaît aujourd'hui "également en décalage avec l'évolution de la délinquance des mineurs".
Débat parlementaire. Mais cette refonte "doit naturellement se faire dans le respect des principes constitutionnels applicables à la justice pénale des mineurs et des conventions internationales", précise le gouvernement. Le Conseil constitutionnel a rappelé que "l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs (...) et la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées (...) prononcées par une juridiction spécialisée", faisait partie "des principes fondamentaux" de la République. Le gouvernement indique que l'élaboration de ce "code de la justice pénale des mineurs" s'appuiera sur les travaux menés par les parlementaires et que le texte donnera lieu à un "débat parlementaire".
Un délai d'un an. Sur le calendrier, une fois le projet de loi adopté définitivement et promulgué, le gouvernement prévoit la publication de l'ordonnance dans un délai de six mois. Un projet de loi de ratification sera ensuite déposé devant le Parlement dans les deux mois. Mais, assure le gouvernement, "l'ordonnance n'entrera pas immédiatement en vigueur et un délai d'un an sera laissé pour mener le nécessaire débat parlementaire sur ce sujet essentiel pour la Nation".
Magistrats et éducateurs dénoncent un "coup de force". Les syndicats de magistrats et d'éducateurs jugent "scandaleuse" la volonté de la garde des Sceaux de réformer la justice des mineurs par voie d'ordonnance. "C'est la cerise sur le gâteau de ce processus parlementaire : à deux jours de la fin des débats, la ministre de la Justice décide de légiférer sur ce sujet sensible sans que personne n'ait été entendu", a dénoncé jeudi Anaïs Vrain, juge pour enfants et secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature (SM, gauche). Jacky Coulon, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), se dit, lui, "consterné" : "On ne voit pas où va le gouvernement, qui n'a jamais présenté de ligne directrice sur la justice des mineurs mais demande un blanc-seing, qui permettra de contourner tout débat".