La folle course des «sneakers addicts», ces collectionneurs qui s’arrachent des baskets à prix d’or

Les marques jouent le jeu des éditions limitées et modèles rares, créant parfois une cohue pour en obtenir une paire. © ROSLAN RAHMAN / AFP
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Juline Garnier

Depuis plusieurs années, un véritable business des chaussures de sport s’est mis en place dans une communauté de passionnés. Les marques jouent le jeu des éditions limitées et modèles rares, créant parfois une cohue pour en obtenir une paire, comme ce mercredi à Paris à l’occasion de la collaboration Nike et Corteiz. Qui sont ceux que l’on appelle les "sneakers addicts" ? Éléments de réponse.

Du chaos pour une poignée de paires de baskets. À l’occasion de la mise en vente des chaussures "Air Max 95" par les marques Nike et Corteiz, un mouvement de foule massif s’est créé, faisant plusieurs blessés. L'événement n’avait pas été autorisé en amont par la mairie mais c’est surtout la méthode employée par les deux marques qui a fait défaut, celle d’un "drop sauvage" : un jeu de pistes pour trouver la boutique éphémère, faisant se déplacer près d’un millier de personnes à travers Paris.

Des baskets pouvant être revendues cinq fois plus cher

Le rendez-vous était donné place de la République mais c’est via un bus, habillé par Nike, que les coordonnées géographiques de la boutique ont été transmises. À partir de ce moment, tous les moyens étaient bons pour y parvenir. Devant la boutique, finalement située Cours de Vincennes dans le 12e arrondissement, des bagarres ont éclaté. "Il y avait 600 paires pour au moins mille personnes, donc les gens se sont mis à forcer les stores de la boutique", raconte un participant au journal Le Parisien .

Cet événement reflète l’explosion de l’intérêt pour ces accessoires, devenus objets de collection. Mais aussi celui d’un investissement très rapidement rentable, du fait de la rareté des modèles. Les 600 "Air max 95" ont été vendues 190 euros la paire mais peuvent selon certains passionnés être revendues deux à cinq fois plus cher.

Storytelling bien ficelé

C’est également le constat de Léo Nilly, jeune strasbourgeois passionné de sneakers. En cinq ans, il a obtenu une quarantaine de paires "de collection" qu’il expose religieusement dans son salon. "Ce qui m’intéresse c’est évidemment le style de la basket mais aussi son histoire, quand la marque raconte des choses cohérentes autour de la paire, comment et pourquoi elle a été faite", explique-t-il pour Europe 1.

"Par exemple, ma paire de Jordan 1, qui est le modèle porté par le basketteur Michael Jordan lors de son arrivée en NBA 1984. Il y a plein d'histoires comme quoi il n’avait pas le droit de porter ces chaussures durant le championnat donc il recevait des amendes à chaque match, que Nike lui payait", détaille Léo Nilly. Le jeune homme ne les met pour autant pas sous cloche, et s’amuse à les porter de temps en temps pour différentes occasions.

© Léo Nilly

La loi du marché (des sneakers)

Et derrière le style, puis l’histoire, il y a évidemment la question du prix. "Comme je connais un peu ce milieu, il m’est arrivé d'acheter des modèles en sachant qu’ils pourraient valoir plus cher, plus tard. Je me dis toujours que c’est un investissement", complète le passionné. Il s’impose cependant une limite à ne pas dépasser. "Mettre 1.000 euros dans une paire de chaussures, je trouve cela trop cher pour ce que c’est mais je comprends que d’autres puissent le faire", confie-t-il.

Certains, justement, organisent un véritable business. Ils profitent des "drop" et des "raffle" (tirages au sort en ligne qui permettent d’être sélectionnés pour acquérir le droit d’acheter une paire en édition limitée) des différentes marques streetwear pour se créer du stock et faire fructifier leurs investissements. Mais pour Léo Nilly, c’est un jeu dangereux.

Elles ont la cote en bourse

"Il arrive de plus en plus que les marques ressortent des modèles qui pourtant étaient en édition limitée, proposent d’autres coloris pour un même modèle rare et cela fait évidemment baisser la cote, donc les prix puisqu’il y a plus de stock pour moins de demande", analyse-t-il. De plus, des marques comme Nike s’organisent pour éviter les cas de tricherie sur ses "raffle" en ligne, comme l’inscription - nominative - au tirage au sort avec plusieurs comptes ou adresses IP. "Des familles entières ont été privées d’achat sur la boutique en ligne à cause de ce genre de stratégie", prévient-il.

Ce marché, encore difficile à estimer, est porté par les célébrités et les influenceurs partout dans le monde, notamment sur les réseaux sociaux. Depuis 2016, il a même "sa" bourse de cotation, via le site web "StockX". Pas étonnant donc, qu’il attire au-delà des cercles de passionnés.