Le ministère des Armées a dévoilé sa stratégie pour conquérir les fonds marins, un segment très stratégique mais jusqu’alors quasi-inoccupé. Un terrain de jeu quasi-vierge qui voient notamment transiter les câbles numériques sous-marins qui permettent de relier un continent à un autre.
Après le cyber et l’espace, les fonds marins sont dans la ligne de mire. La ministre des Armées Florence Parly a dévoilé lundi devant un public d’industriels et de diplomates la stratégie ministérielle française de maîtrise des fonds marins. Ces profondeurs abyssales sont peu connues et peu explorées. À titre d’exemple, seules 7 personnes sont descendues dans la fosse des Mariannes, l’endroit le plus profond connu à ce jour de la croûte terrestre, à près de 11.000 mètres, alors que 12 humains ont déjà marché sur la Lune.
Un terrain très stratégique
Les fonds marins, terrain de jeu quasiment encore vierge, sera pourtant dans les prochaines années une surface très stratégique pour les grandes puissances, selon les analystes militaires. D’abord parce que les câbles numériques sous-marins permettant de relier un continent à l’autre y transitent. Environ 450 câbles sont ainsi posés au fond de la mer, dont 30 tirés entre l’Europe et le continent nord-américain. "Les Russes ou les Chinois occupent cet espace propice à la dissimulation, soit pour entraver, soit pour s’informer", explique à Europe 1 une source au sein du ministère des Armées.
Les îles Tonga ont par exemple été coupées du monde après l’éruption du volcan Hunga qui a eu comme effet de couper l’unique câble sous-marin numérique, causant d’importants problèmes sur le débit obligeant un report sur les transmissions satellitaires.
Stratégie de dissuasion
L’objectif de la France est de rattraper son retard et d’investir ce champs-là. On parle de profondeurs entre 3.000 et 6.000 mètres, 73% des fonds marins se trouvant à ce niveau. Ainsi, les Armées veulent d’ici à 2025 se doter d’un couple drone/robot capable de descendre à 6.000 mètres de profondeur. C’est un défi technologique et industriel. Voilà pourquoi le cahier des charges de cette stratégie précise que ce nouvel objet doit être Français. Le budget alloué à ce développement est de l’ordre de 300 millions d’euros, "modeste", certes reconnait-on, mais "essentiel".
Autre menace qui a conduit les autorités françaises à vouloir investir le fond des mers, celle des épaves qui dorment dans les abysses. L’idée est de pouvoir retrouver un avion qui aurait été abattu avant que d’autres puissances étatiques ne mettent la main dessus pour en explorer les secrets industriels.
Si la France a décidé de présenter ouvertement sa stratégie – c’est la première nation à le faire – c’est pour "pousser l’ambition des technologies et monter des partenariats avec les industriels", justifie-t-on au sein du ministère des Armées. L’enjeu est aussi dissuasif. Alors que les sous-marins français sont plutôt de bonne qualité, et reconnus ainsi par les autres armées, l’enjeu est de pouvoir montrer que cette zone des 6.000 m n’est pas obscure. En tout cas, que des activités de dissimulation ne peuvent pas s’y opérer sans être démasquées. "Il faut pouvoir dissuader un ennemi de venir y nous faire du mal", conclut-on.