Est-ce l'amertume d'un homme dont le plan pour les banlieues a été jeté aux oubliettes il y a un an ? Ou l'alerte d'un ancien responsable politique en pointe sur la question ? C'est la question qui se pose après que Jean-Louis Borloo, ancien ministre de la Ville, a réclamé mercredi au Sénat l'ouverture d'une enquête parlementaire pour comprendre pourquoi la politique de rénovation urbaine s'est "totalement arrêtée" en France. La rédaction d'Europe 1 s'est renseignée.
Retiré de la vie politique depuis 2014, l'ex-président de l'UDI, considéré comme le père de la rénovation urbaine, était invité par la commission économique du Sénat à évoquer ce plan d'action, qui a engagé plusieurs dizaines de milliards d'euros en plus de quinze ans pour remodeler les quartiers populaires. "Pas réduit de 30%, pas divisé par deux, par quatre : arrêté. Ça mérite au moins une enquête", a-t-il déclaré devant la commission.
"Ces chantiers-là n'existent plus"
"On l'a ressenti directement dans nos chiffres d'affaires de 2017, de l'ordre de 30% de notre chiffre", témoigne auprès d'Europe 1 Francis Dubrac, PDG d’une entreprise de BTP qui emploie 400 personnes à Saint-Denis. Selon lui les chantiers sont stoppés depuis plus de deux ans et son carnet de commandes s'amenuise."Pour 4.000 logements de la Courneuve, ça demande de refaire des voies de pénétration, des réseaux d'assainissement... Tous ces chantiers là n'existent plus aujourd'hui".
Pour Bruno Feracci, président de la Société française des urbanistes, ce coup de frein est sans doute dû à un désintérêt au plus haut sommet de l'Etat. "Je pense que c'est un problème que Macron méconnaît, qu'il n'en a pas la mesure exacte", affirme-t-il.
Le renouvellement urbain "pas du tout à l'arrêt" selon l'ANRU
"Jean-Louis Borloo avait raison de dire que ça prenait trop de temps. Il y a eu une difficulté sur l'enchaînement du 1er et du 2e programme de renouvellement urbain. Mais ça, c'était la situation quand il a remis son rapport", précise Olivier Klein, nouveau président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et également maire de Clichy-sous-Bois, qui se défend de tout arrêt de la rénovation urbaine en France.
Et rappelle que 9 milliards et demi d'euros ont été investis depuis 2018. "Aujourd'hui, le renouvellement urbain n'est pas du tout à l'arrêt ! On a validé plus de 370 projets, plus de 9 milliards d'euros - c'est 80% des 12 milliards possible. J'ai eu Jean-Louis Borloo au téléphone, il partage cette analyse", assure-t-il.
Selon le ministère de la Ville, qui promet d'amplifier ses opérations dans les prochains mois, ce sont 150 opérations immobilières qui ont été livrées sur l'ensemble du territoire depuis plus d'un an.