Face à la controverse et aux inquiétudes suscitées par le texte, le président de la République François Hollande avait décidé de saisir le Conseil constitutionnel. Une manière de calmer les esprits. Les Sages, saisis sur ce projet de loi controversé par le chef de l'Etat, le président du Sénat, et plus de 60 députés, ont cependant censuré trois articles de la loi :
- L'article sur "l'urgence opérationnelle", qui permettait aux services de renseignements de déroger à l'avis du Premier ministre et de la commission de contrôle. Il a jugé qu'il "(portait) une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances."
- Les Sages ont également censuré un article qui concerne la "surveillance internationale" et qui renvoyait à des décrets des pans trop importants du dispositif. "En ne définissant dans la loi ni les conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés en application de cet article, ni celles du contrôle par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement de la légalité des autorisations délivrées en application de ce même article et de leurs conditions de mise en oeuvre, le législateur n'a pas déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées au citoyen pour l'exercice des libertés publiques", précise le Conseil constitutionnel.
- Le troisième article censuré est mineur, selon le Conseil, et touche aux lois de finances.
"Ce texte n'organise en rien une surveillance de masse". Le président de la Commission des lois, le député PS du Finistère Jean-Jacques Urvoas, s'est félicité dans un communiqué : "La quasi-totalité de la loi sur le renseignement est jugée conforme à la Constitution, aucun des griefs médiatiquement agités n'ayant été retenu. Contrairement à ce qui été martelé, ce texte n'organise en rien une surveillance de masse. C'est au contraire une loi qui garantit la protection des libertés par le renforcement de l'Etat de droit."
La loi renseignement avait été définitivement adoptée par le Parlement en juin dernier. Mise en chantier l'an dernier, l'élaboration de la loi renseignement a été accélérée par l'exécutif au lendemain des attentats qui ont fait 17 morts début janvier à Paris. De la prévention d'attentats à l'espionnage économique, le texte définit un large éventail des missions des services de renseignement, ainsi que le régime d'autorisation et de contrôle de nombreuses techniques d'espionnage (écoutes, pose de caméra ou de logiciel-espion, accès aux données de connexion, etc).
Les différentes techniques validées. Il a par ailleurs jugé "conformes à la Constitution" les autres dispositions de ce texte combattu par de nombreuses associations et critiqué jeudi par le Comité des droits de l'Homme de l'ONU. Ont ainsi été validées les techniques de renseignement, qui doivent toutefois faire l'objet d'un "strict contrôle de proportionnalité", et les "interceptions administratives de correspondances" sur internet. Les "techniques de sonorisation de certains lieux et véhicules", ainsi que "la captation d'images et de données informatiques", sont elles aussi jugées conformes, tout comme les dispositions sur la géolocalisation ou le recueil de données via des "appareils" et les "durées de conservation" des renseignements collectés.