"La pollution des océans est généralisée et s'aggrave". Voici le constat alarmant du congrès de scientifiques spécialisés sur le sujet, réunis à Monaco début décembre. Les eaux du globe sont victimes du réchauffement climatique et l'activité humaine, éléments perturbateurs de l'équilibre des espèces et de la biologie marine. Pourtant, "la mer est notre solution", affirme Christian Buchet, directeur du Centre d'études de la mer à l'Institut Catholique de Paris, auteur de La grande histoire de la mer, aux éditions Le Cherche midi sur Europe 1. Il lance un appel pour la préservation des océans.
>> LIRE AUSSI - Le changement climatique menace un tiers des sites naturels classés au patrimoine mondial
"C'est le réservoir de notre avenir"
"La mer est notre solution", assure-t-il. "C'est le réservoir de notre avenir, qui permet de le regarder avec optimisme". Selon Christian Buchet, "saccager la mer est un non-sens pour l'humain", "un crime pour l'homme" car elle représente un espoir pour des avancées scientifiques de taille, notamment dans la recherche médicale. Traitement contre le VIH, nouvelles générations d'antibiotiques : ces remèdes ont une origine marine. "Il est évident que c'est au fond des mers, dont nous sommes nous-mêmes issus, que nous allons trouver ce dont nous avons besoin".
Une source d'espoir pour l'avenir d'autant plus grande, que les scientifiques s'accordent aujourd'hui sur la connaissance de seulement 3% de la microbiologie marine. "La nature est en avance. C'est un formidable livre ouvert à nous", explique Christian Buchet, qui souligne l'importance d'avoir "un autre regard" sur la mer, plutôt que de la piller et de la détruire. "Cela va nous permettre de faire des bonds technologiques considérables, que ça soit au niveau des énergies marines renouvelables, au niveau de la santé, au niveau de bien être, au niveau de l'alimentation…", assure le spécialiste.
Cinq continents de plastique qui menacent l'écologie marine
La situation est urgente, car les eaux internationales font face à un ensemble de menaces. Le plastique tout d'abord. "Au dernier pointage, il n'y a pas un continent de plastique mais cinq : deux dans l'Atlantique, deux dans le Pacifique et un dans l'océan Indien", rappelle Christian Buchet, qui souligne également la pollution dans les mers fermées du globe. Les courants font remonter des particules légères à la surface, mais 80% de ces dernières se situent au fond de la mer, encore invisibles.
"Il y a bien sûr d'autres problèmes liés au fait qu'une partie pas dans le monde des eaux usées repartent à la mer sans traitement", ajoute l'auteur. "La mer c'est grand, c'est 72% de la surface du globe mais ce qu'on ne mesure pas toujours, c'est que les poissons ne se reproduisent pas forcément en pleine mer. Ils vont se reproduire sur les zones littorales et c'est précisément cette bande littorale que nous, humains, nous agressons à travers les eaux usées que nous rejetons. On voit à quel point nous frappons la mer là où cela fait mal".
L'acidification des océans, le nouveau péril
Derrière les images d'eaux pollués et de déchets flottant, une autre menace majeure : l'acidification des océans, résultant des émissions de CO2. "La mer nous rend un service tout à fait incroyable : elle absorbe entre 30 à 40% de nos émissions de CO2", explique le spécialiste. "Ce qui veut dire que si la mer ne rendait pas ce service nous serions malheureusement accoutumés depuis bien plus longtemps aux masques".
Les scientifiques sont unanimes : si la tendance ne s'inverse pas, il pourrait y avoir un véritable bouleversement de l'équilibre pour de nombreuses espèces de coraux ou de coquillages. L'acidification menace fortement ces habitats naturels, principalement composés de calcaire, et les espèces qui les occupent.