Trois ans après les accords de Paris sur le climat, conclus sous l'égide de Laurent Fabius, le constat des experts sur le réchauffement climatique est alarmant. L'homme d'Etat, ancien Premier ministre et désormais président du Conseil constitutionnel, était l'invité de l'émission C'est arrivé demain à l'aube de la Cop 24, à Katowice en Pologne.
"Ralenti l'allure". Alors même que Donald Trump s'est retiré de l'accord de Paris et que le président du Brésil nouvellement élu, Jair Bolsonaro, pourrait lui emboîter le pas, la viabilité de l'accord de Paris, succès de 2015, est mise en doute. Laurent Fabius défend néanmoins ce qui a été fixé grâce à cet accord, notamment "les chiffres", à l'instar des fameux deux degrés au-dessus desquels le réchauffement climatique ne devrait pas aller. "Ce n'est pas seulement un paradoxe mais un scandale : au moment-même où on signait, où il fallait prendre des décisions, un certain nombre de pays ont ralenti l'allure. On n'a pas besoin des rapports pour voir que la catastrophe est là. Pas dans cinquante ans, aujourd'hui. Il faut, et c'est l'objet de Katowice, appliquer l'accord de Paris", énonce l'homme politique tel un principe.
Un pacte mondial avec effets juridiques en discussion. L'idée est de "descendre dans les détails", souligne Laurent Fabius. "Quelles formes prennent les engagements, comment faire le reporting ? Quelle est la transparence ?", énumère-t-il, en rejetant l'idée d'un gendarme mondial qui jetterait en prison les chefs d'Etats réfractaires. "Cela ne correspond pas à la réalité mondiale. En revanche, il y a la pression des pairs, des engagements pris, la pression vis-à-vis des entreprises et de la part des entreprises. Et puis, il y a les citoyens, le bulletin de vote." Des pressions qu'il reconnaît insuffisantes. "C'est pour ça qu'à l'initiative de la France, et c'est maintenant discuté aux Nations unies, nous avons mis sur pied un pacte mondial de l'environnement qui reprend les principes à appliquer pour les citoyens, les entreprises, les Etats avec une traduction juridique".
"Ce qui se passe en France". L'ex-Premier ministre souligne, à l'instar des experts, qu'"il faut aller vers une diminution de l'utilisation des énergies fossiles", grandes productrices de CO2. "Il n'y a que Monsieur Trump et quelques autres qui pensent autre chose." Et de rappeler que le moyen le plus efficace, "c'est la tarification du carbone. Le problème, c'est la transition. Dans le préambule de l'accord de Paris, il est dit qu'il faut aller vers une transition juste. Il va y avoir des destructions d'emplois. Il faut accompagner la transition et créer de nouveaux emplois. Il y a aussi des contre-mesures qui sont prises pour lutter contre le dérèglement climatique et elles posent des problèmes de justice", ajoute-t-il en faisant référence "à ce qui se passe en France", sans nommer le mouvement des "gilets jaunes" qui s'est levé avec l'augmentation des taxes sur le carburant.
"Transition juste". Sans vouloir se prononcer sur la politique intérieure, il rappelle le cadre d'une "situation française spécifique. Le niveau des prélèvements obligatoires est très élevé. (...) En face, il y a des prestations, l'hôpital, l'allocation chômage... Si on veut diminuer ces éléments-là, les prestations ne sont pas du même ordre. Mais c'est vrai qu'on le voit en tant que citoyen, maintenant il y a un sentiment qu'il ne faut pas aboutir à des situations excessives", dit-il avec ménagement avant de revenir à sa position : "C'est toujours cette histoire de transition juste."