Depuis les attentats du 13 novembre, la France se mobilise pour déceler les signes de radicalisation religieuse pouvant conduire à la violence. L'Education nationale ne fait pas exception, et parfois même de manière très poussée. Dans le Loiret, une note datée du 18 novembre de la direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN), repérée par Libération, a suscité l'interrogation de certains syndicats.
Les parents doivent être signalés. Intitulée note "relative au signalement des faits de violence et événements graves en milieu scolaire", elle incite notamment les directeurs d'écoles et du secondaire à signaler les "atteintes aux valeurs de la République" et les "phénomènes de radicalisation". Pour ce faire, la note propose noir sur blanc de signaler les élèves, les groupes d'élèves et même les… "parents portant atteinte au principe de laïcité (propos, port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse)".
Certains enseignants "choqués". Ce "fichage" (dixit Libé) étendu jusqu'aux tenus des parents a suscité l'ire de certains enseignants. "Des collègues ont été choqués par le lien qui peut être fait entre ce questionnaire et le climat général de frénésie et d’amalgames autour d’une population prétendument à risques", dénonce ainsi Théo Roumier, de Sud Education Loiret, cité par Libé. "On ne voit pas très bien pourquoi et comment une pratique religieuse, comme le fait de porter un foulard, pourrait être considérée comme un phénomène de radicalisation et en quoi cela contrevient à la loi", poursuit le syndicaliste.
La DSDEN reconnaît une erreur dans la formulation. Mais y a-t-il vraiment eu "fichage" ? Auprès d'Europe 1, Denis Toupry, directeur des services départementaux de l'éducation nationale (DSDEN), assure du contraire. "Ce formulaire n'est pas nominatif, ce n'est en aucun cas du fichage", précise-t-il. Le but est d'établir des statistiques, pour déceler "la croissance" ou la "non croissance" de certains phénomènes, afin de "voir où sont les difficultés et d'accompagner les équipes". Denis Toupry reconnaît toutefois une "erreur de formulation" sur cette note. Les "signalements" à propos des parents ne se feront pas sur les tenues et les signes religieux, contrairement à ce que laissait croire le document. "Nous allons modifier la note et faire deux lignes différentes. Une ligne élèves, et une ligne parents", poursuit Denis Toupry. Les "propos" que peuvent tenir les parents sur la laïcité seront, quant à eux, bel et bien signalés, de manière non nominative.
Les parents sont-ils libres à l'école ? Pour rappel, depuis une loi de 2004, les élèves ont interdiction de "manifester ostensiblement" leur religion via un "signe" ou une "tenue", dans les écoles et les établissements du secondaire. Cette loi ne concerne pas les parents, qui sont libres de porter pareil signe ou tenue lorsqu'ils vont chercher leur enfant à l'école ou sont convoqués par un professeur par exemple. En revanche, une circulaire en date de 2012, dite "circulaire Chatel", permet à un établissement d'interdire le port de signe ou tenue ostentatoire à un parent accompagnateur lors d'une sortie scolaire. La ministre de l'Education actuelle, Najat Vallaud Belkacem, a fait savoir l'an dernier que ces interdictions devaient devenir "l'exception" et non la "règle". Mais elle n'a pas supprimé cette circulaire.