Le baccalauréat est-il si inutile que ça ?

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Le ministre de l’Education promet de "remuscler le diplôme" qui aurait, selon lui, perdu son "sens" et son "utilité".
LA FRANCE BOUGE

Le nouveau ministre de l’Education le promet : il veut "remuscler" le baccalauréat. Interrogé dimanche sur France Culture, Jean-Michel Blanquer assure être sur ce sujet "d'un grand pragmatisme" et veut être "capable de remuscler le baccalauréat pour lui donner plus de sens et pour le rendre plus utile". Pendant la campagne, Emmanuel Macron avait déjà indiqué vouloir "moderniser" cet examen, dont la session 2017 démarrera le 15 juin par l’épreuve de philosophie. Si la réforme promise par le nouvel exécutif étaient adoptée, les candidats ne passeraient plus que quatre matières principales, les autres seraient évaluées sous forme de contrôle continu. Le but, selon le ministre de l’Education, est de "retrouver l’utilité profonde", du bac. Le nouvel exécutif veut en faire "un tremplin pour la suite du parcours" des élèves.

>> Mais le bac est-il si inutile que ça ? Nécessite-t-il vraiment une réforme ? Eléments de réponse.

Le bac, un plus pour avoir un emploi et un meilleur salaire

Au regard des statistiques, le bac semble déjà faire office de "tremplin". Passeport pour les études supérieures, gage de sérieux sur un CV, sésame indispensable pour certains métiers… Le bac reste en effet important pour se construire un avenir. Selon un rapport de l'Observatoire des inégalités, les bacheliers qui n’ont pas fait d’études supérieurs connaissent un taux de chômage de 21% trois ans après leurs études, contre 32% pour les titulaires d’un CAP/BEP et 50% pour les non diplômés. Le taux tombe à 15% après un bac+2, 13% après une licence (Bac+3) et 10% après un Master (Bac+ 5).

Par ailleurs, trois ans après la sortie du système scolaire, le salaire médian des simples bacheliers s’élève à 1.275 euros nets, contre 1.225 euros pour les CAP/BEP et 1.065 euros pour les sans diplôme. Avec un Bac+2, cela monte à 1.435 euros, 1.540 euros pour les titulaires d’une licence et 2.025 euros pour les bac +5. "Dans un pays où le titre scolaire est sacralisé, ceux qui ne sont pas dotés d’un diplôme connaissent une insertion beaucoup plus difficile", commente l’observatoire des inégalités.

Mais tous les bacs ne se valent pas

Ces chiffres bruts cachent toutefois de fortes disparités. On l’a vu, le bac semble être un minimum requis pour s’insérer sur le marché de l’emploi. Mais les études supérieures augmentent drastiquement les chances. Or, toutes les filières du bac ne semblent pas y préparer de la même manière. Selon une étude de 2013 du ministère de l’Enseignement supérieur, plus de 35% des "Bac S" réussissent par exemple leur licence en trois ans, contre un peu plus de 30% pour les séries L et moins de 5% pour les séries technologiques et professionnelles.

"Allez donc aujourd'hui essayer d'entrer à l’université Paris Dauphine avec un bac pro ? […]Nous le savons bien, les bacs (il existe de fait quelque soixante-dix formules différentes d'examen) ne sont pas d'égale valeur. Le bac général, et à l'intérieur de celui-ci le bac scientifique, demeure le bac ‘supérieur’, et plus encore s'il s'accompagne d'une mention Très Bien", dénonce dans une tribune au Monde le sociologue Michel Fize.

Les adversaires de la version actuelle du baccalauréat contestent également sa capacité à faire acquérir des savoirs durables aux élèves. Selon une étude du sociologue Loïc Drouallière, enseignant-chercheur à l’Université de Toulon, le nombre de fautes d’orthographe fait par les étudiants de première année a doublé entre 1987 et 2005. "Les enquêtes sur ce dont se souviennent les élèves après le bac montrent que le bachotage qui le précède n'a que peu d'effets sur les connaissances maîtrisées après les épreuves", poursuit Philippe Meirieu, professeur en sciences de l'éducation, interrogé par France Info. Et de poursuivre : "Il n'est pas possible que des bacheliers qui ont eu 4 ou 7 en français accèdent à des études universitaires parce qu'ils ont compensé dans d'autres matières ou grâce à des options. A l'université, cela devient très problématique d'accueillir des gens qui ne sont pas capables de construire un paragraphe".

Le réformer ou… carrément le supprimer ?

Pour rendre le parcours d’un lycéen plus efficace, les opposants à la version actuelle du bac ne proposent pas tous la même solution. Certains, à l’instar du sociologue François Dubet, prône, tout comme Emmanuel Macron, un examen resserré à quelques épreuves et la mise en place d’un contrôle continu.

D’autres, comme Philippe Meirieu, veulent aller plus loin : "La méthode la moins mauvaise est celle qui utilise des ‘unités de valeur’. Nous dirions par exemple que le baccalauréat représente quinze unités de valeur. Huit seraient communes (français, philosophie, histoire, etc.) et sept seraient spécifiques, choisies en fonction de la section. Ces unités de valeur devraient toutes être acquises, sans qu'il y ait de compensation entre elles. Elles pourraient être acquises sur l'ensemble de la scolarité du lycée".

D’autres, enfin, à l’instar de Michel Fize, proposent de supprimer purement et simplement le diplôme du bac, et de ne garder que les notes du lycée et la motivation des élèves comme critère de sélection pour l’université.

 

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