Une femme parmi les grands hommes. Le buste en marbre d'Olympe de Gouge, la révolutionnaire qui a rédigé la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, a pris place dans la salle des Quatre-Colonnes de l'Assemblée nationale, mercredi. Elle est la première femme à entrer dans ce panthéon des grandes figures politiques qui ont construit la France.
Réalisé par Jeanne Spehar et Fabrice Gloux, ce buste la présente en femme mûre, au regard intelligent et posé. Sur le piédestal, on peut lire : "l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements", un extrait de sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, publiée en 1791 en forme de leçon politique.
Un acte "symbolique" pour marquer l'importance des femmes dans l'histoire de France. Par cette arrivée d'Olympe de Gouges parmi les bustes d'hommes qui règnent sur cette salle où se croisent députés et journalistes, Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, a souhaité souligner les progrès "malgré les obstacles" dans la reconnaissance de la place des femmes. "Les Françaises d'aujourd'hui occupent ou peuvent prétendre occuper toutes les places, tous les postes, toutes les fonctions de la vie civile et militaire", a-t-il affirmé mercredi.
Olympe de Gouges, révolutionnaire et féministe charismatique, ne fut pourtant pas le choix de François Hollande pour les nouvelles entrées au Panthéon en 2015. Il lui a préféré quatre résistants, dont deux femmes. Elle avait pourtant reçu le soutien de plusieurs personnalités politiques féministes dont la maire de Paris, Anne Hidalgo (PS). C'est néanmoins une "révolution formidable" qui aurait été impossible "après les prochaines élections", glisse l'ancienne ministre socialiste des Droits des femmes Yvette Roudy.
Aujourd'hui Olympe de Gouges arrive à l'@AssembleeNat. Il était temps. https://t.co/cKR3W6gcTO#DirectANpic.twitter.com/iiK1XYyDzn
— Claude Bartolone (@claudebartolone) 19 octobre 2016
Son action politique en faveur des "laissés-pour-compte". Née dans le Tarn-et-Garonne dans une famille modeste, la jeune Marie Gouze est veuve à 18 ans et choisit de le rester pour conserver sa liberté. "Montée" à Paris, elle se battra toute sa vie pour l'abolition de toute forme de soumission. Elle plaide pour l'instauration du divorce d'un commun accord et d'un impôt patriotique, les droits des ouvriers au chômage ou encore l'abolition de l'esclavage et de la peine de mort. Révolutionnaire dans l'âme, elle embrasse les thèses égalitaristes. En 1791, elle publie la fameuse Déclaration pour les droits des femmes.
Mais son engagement jusqu'au-boutiste lui coûte la vie puisqu'elle est guillotinée en 1793 pour s'être opposée à Robespierre, alors chef des révolutionnaires, et avoir dénoncé le massacre de personnes emprisonnées en septembre 1792. Si "la femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune", avait-elle déclaré dans une formule restée célèbre.
Des causes qui restent d'actualité. Pourtant la plus féminine de l'histoire, l'Assemblée nationale élue en 2012 comptait moins d'un tiers de femmes, 155 sur 577 députés. Les femmes politiques actuelles doivent encore "se battre pour prendre des sièges" en 2017, a averti Yvette Roudy.
Dans l'hémicycle, des plaques au nom de trois des 33 premières femmes élues députées le 21 octobre 1945, la communiste Marie-Claude Vaillant-Couturier, la socialiste Rachel Lempereur et la MRP Marie-Madeleine Dienesch, ont d'ailleurs été dévoilées mercredi. Leurs combats restent "d'actualité" et "les droits acquis sont fragiles" pour les femmes, selon l'une des vice-présidentes de l'Assemblée, Sandrine Mazetier (PS).