Teddy Dubois le dit avec amertume et colère : "Le cirque fait partie de notre culture mais avec les communes, il va mourir !" Représentant du cirque Zavatta, il se bat depuis plusieurs années contre les villes et les villages qui interdisent l'accès aux cirques familiaux. 70% d'entre eux seraient ainsi aujourd'hui à l'arrêt. En cause : un aménagement urbain qui ne permet plus d'accueillir les cirques et des communes de plus en plus sensibles à la cause animale. Face à cette situation, les cirques se sont mobilisés en bloquant le périphérique parisien la semaine dernière. Et ils l'assurent : ils recommenceront s'ils ne sont pas entendus.
Ça y est, c'est le #cirque sur le #periph intérieur de #Paris - "Avis à la population", lancent les hauts parleurs pic.twitter.com/XuVL8e5Way
— Théo Maneval (@TheoManeval) 24 mars 2016
L'aménagement urbain et le ras-le-bol des communes. C'est le principal problème : les mairies ont aménagé tout leur territoire et n'ont plus de place pour ouvrir leurs portes aux cirques. "On arrive plus à avoir d'autorisations dans les villes pour s'installer, ils n'ont plus d'emplacement", peste Teddy Dubois. "Je n'ai qu'un espace pour les accueillir, la place de la mairie", se justifie de son côté le maire de La Madeleine (Nord), Sébastien Lepretre. "Les conditions spatiales sont draconiennes mais je ne vais pas inventer un espace que je n'ai pas !"
Mais il y a aussi un grand ras-le-bol des maires contre les cirques. A Roncq, un arrêté interdisant l'installation de cirques d'animaux sauvages a été pris en septembre 2015. "On avait régulièrement des problèmes avec eux", explique-t-on à la mairie. "Ils ne respectent pas les espaces publics, ils font des branchements sur les bornes incendies ou stationnent leurs remorques sur les trottoirs et les espaces verts". Le maire de La Madeleine, dans le Nord, n'est lui pas hostile, par principe, aux cirques et confie emmener ses enfants sous les chapiteaux. Mais il assure : "Il se trouve que des cirques qui respectent la réglementation locale, ça ne court pas les rues".
La protection des animaux. Il y a aussi un autre argument qui est brandi par plusieurs communes, celui de la protection animale. En mars, la mairie de La Ciotat, dans le Sud de la France, s'est retrouvée sous les feux des projecteurs en interdisant les cirques au nom du bien-être animal. A Roncq, on est aussi sur le même positionnement. "Les conditions de parcage des animaux ne nous semblent pas adéquates", avance-t-on. "On est sensible à la cause animale. Au fond, est ce qu'un éléphant est fait pour vivre dans 30 mètres carré, a priori la réponse est non", explique la municipalité.
Un argument balayé d'un revers d'un main par Teddy Dubois : "Ces associations de protection des animaux qui soutiennent ces mairies font du zèle, elles feraient mieux de s'occuper des animaux tués en Afrique. Nous, nos éléphants ils vivent et meurent avec nous, on s'en occupe comme nos anciens".
Que réclament les cirques ? Pour néanmoins répondre à l'inquiétude des communes, l'association de défense des cirques familiaux est en train de rédiger une charte de bonne conduite. "Dans ce document, les cirques qui s'engagent devront respecter une série de mesures comme un état des lieux avant et après avec un agent de police, le placement des poubelles dans des containers, des animaux tenus en parc ou la signature d'un chèque de caution", détaille Teddy Dubois. "Si la charte répond à la réglementation locale, je dis 'oui'", lui répond le maire de La Madeleine. Mais pas de quoi convaincre la commune de Roncq qui campe sur sa position du bien-être animal.
Les cirques en appellent aussi à la ministre de la Culture Audrey Azoulay. "On veut qu'elle tape sur la table et qu'elle fasse appel aux maires de France pour qu'ils acceptent notre charte de bonne conduite", explique le représentant de Zavatta.
Une manif pendant l'Euro ? Au ministère de la Culture, on prend les choses très au sérieux. Audrey Azoulay a envoyé un courrier à l'Association de défense des cirques familiaux daté du 22 mars, soit avant la mobilisation parisienne. La locataire de la rue de Valois assure au président de l'Association "son soutien" et explique être "consciente de la nécessité de garantir la fiabilité de (vos) cirques". Elle salue "la volonté d'élaborer une charte", "gage d'un dialogue serein et constructif". Surtout, la ministre y affirme que "la tradition du cirque familial fait partie de la culture populaire et qu'elle doit être préservée". Selon nos informations, une réunion devrait avoir lieu prochainement au ministère avec les acteurs du dossier.
Un courrier apprécié par Teddy Dubois qui note que "la ministre aime le cirque" : "on aura satisfaction". Mais il prévient : "Si l'on a pas ce qu'on veut, on prévoit quelque chose pour l'Euro. Il y aura tous les types de spectacles itinérants qui nous rejoindront. Et Paris ne sera pas assez grande pour recevoir tout le monde".