Le Conseil constitutionnel a validé vendredi l'infraction pénale de violation du confinement, créée par la loi d'état d'urgence sanitaire, un délit dénoncé comme "bricolé" mais jugé suffisamment précis et donc "conforme" à la Loi fondamentale. Le Conseil "juge que le législateur a suffisamment déterminé le champ de l'obligation" faite aux citoyens et "écarte le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines", explique-t-il dans un communiqué.
Le délit créé par l'article L.3136-1 du code de la santé publique prévoit qu'une personne verbalisée à plus de trois reprises pour violation du confinement dans un délai de 30 jours est passible d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende. Les "sages" étaient saisis par la Cour de cassation, qui a examiné en mai plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) visant cet article.
La plus haute juridiction judiciaire a relevé que le législateur avait "créé un délit caractérisé par la répétition de simples verbalisations", "susceptible de porter atteinte au principe de légalité des délits et des peines qui résulte" et au "principe de la présomption d'innocence". Devant le Conseil constitutionnel, les avocats des requérants avaient étrillé un texte adopté dans "la précipitation", la "surenchère", répondant à un "besoin d'affichage" répressif, et qui avait gravement porté atteinte aux droits fondamentaux, dont celui d'un "recours effectif".
"Le système répressif demeure"
Ils avaient en effet relevé que le délai légal de contestation de la contravention était de 45 jours (et porté à 90 sous état d'urgence) alors que le nouveau délit prévoit une réitération de l'infraction (à plus de trois reprises) "dans les 30 jours". Qu'adviendrait-il pour un homme condamné à de la prison en cas d'annulation d'une ou de toutes ses contraventions, contestées dans les délais légaux, avaient-ils demandé.
Ils s'étaient aussi interrogés sur la définition d'un "motif familial impérieux" ou d'un "achat de première nécessité", motifs pouvant justifier une sortie, témoignant de verbalisations pour achat "d'un test de grossesse" ou de "protections hygiéniques".
Le Conseil juge que "ni la notion de verbalisation, qui désigne le fait de dresser un procès-verbal d'infraction, ni la référence aux 'déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux et de santé' ne présentent de caractère imprécis ou équivoque".
L'ESSENTIEL CORONAVIRUS
> Coronavirus en Chine : faut-il s'inquiéter de la nouvelle situation ?
> Écoles, impôts, lutte contre le racisme… Ce qu'il faut retenir de l'allocution d'Emmanuel Macron
> Coronavirus : les 5 erreurs à ne pas commettre avec votre masque
> Coronavirus : trois initiatives qui vont bouleverser nos habitudes à la plage
> Entre TGV vides et TER au rabais, la SNCF se prépare à un mauvais été
Par ailleurs, "en retenant comme élément constitutif du délit le fait que la personne ait été précédemment verbalisée +à plus de trois reprises+, le législateur n'a pas adopté des dispositions imprécises". En particulier, souligne le Conseil, "ces dispositions ne permettent pas qu'une même sortie, qui constitue une seule violation de l'interdiction de sortir, puisse être verbalisée à plusieurs reprises".
Pour les "sages", "le législateur a réprimé la méconnaissance de l'interdiction de sortir, qui peut être mise en œuvre lorsqu'est déclaré l'état d'urgence sanitaire" et "a défini les éléments essentiels de cette interdiction".
Les requérants, qui souhaitaient une censure immédiate, avaient interpellé le Conseil constitutionnel sur l'avenir: "Vous ne jugez pas seulement pour le passé" mais aussi "pour le futur", avait lancé l'avocat Bertrand Périer. "Le système répressif demeure", relevait-il, soulignant qu'il restait "des contraintes", comme le port du masque obligatoire dans les transports, et donc une potentielle répression à la fois "illégale" et "disproportionnée".
Le Conseil constitutionnel relève de son côté que le législateur a déjà apporté "deux exceptions pour les déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux et de santé" et qu'il "n'a pas exclu que le pouvoir réglementaire prévoie d'autres exceptions".
Pendant le confinement, quand tous les déplacements non essentiels étaient interdits, 1,1 million d'amendes ont été dressées pour plus de 20 millions de contrôles, selon un bilan donné mi-mai par le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner.