Le chiffre a été avancé par Bernard Cazeneuve mercredi matin. 1.800 français sont impliqués dans des filières djihadistes. Et 600 se battent en ce moment en Syrie ou en Irak. Selon le ministre de l'Intérieur, 250 en sont revenus et 144 y ont trouvé la mort. En France, ces morts restent anonymes. Il n’existe aucune preuve, aucun acte de décès officiel, permettant d’attester la mort d’un djihadiste parti combattre dans les rangs de l’Etat islamique (EI). C’est donc l’histoire d’un deuil impossible qui s’amorce pour les parents venant d’apprendre, par l’intermédiaire du groupe djihadiste, la mort de leur enfant.
"Félicitations, qu'Allah l'accepte en martyr". L'annonce du décès prend le plus souvent la forme d'un simple SMS en provenance de Syrie. "Félicitations, qu'Allah l'accepte en martyr", peut-on lire sur les messages envoyés aux familles. Certaines d’entre elles reçoivent un appel depuis Raqqa, ville de Syrie considérée comme la capitale de l'EI. C’est ce qui est arrivé à la famille de Sami, 22 ans, qui appris sa mort par téléphone, via la femme syrienne du jeune homme. Comme d’autres familles, celle de Sami a également reçu un certificat de décès, rédigé en arabe. Il est frappé du sceau noir de Daech. On peut lire que Sami, dont le nom de combattant est Abou Khattab, est décédé le 9 mars 2014, dans un accident de la route près de Raqqa.
"Tous les mois, je reçois son relevé de comptes". Mais l'Etat français ne reconnaît pas ce document. Les familles, comme celle de Sami, ont donc toutes les peines du monde pour faire reconnaître la mort de leur enfant. Fermer un compte bancaire, résilier un abonnement de téléphone, demander une radiation des services sociaux… toutes ces démarches administratives se transforment en parcours du combattant.
"Je suis allée à la banque pour fermer les comptes et j’ai donné ce certificat. Encore aujourd’hui, j’attends une réponse. Tous les mois, je reçois son relevé de comptes. Quand je vois le nom de mon fils ce n’est pas facile", réagit Mouna, la mère de Sami au micro d’Europe 1. "C’est un casse-tête. Aujourd’hui, on attend que ça bouge, du côté de la sécurité sociale, des impôts, de la banque. Je peux comprendre qu’il y a des inquiétudes parce que certains terroristes font croire qu’ils sont morts pour revenir commettre des attentats en France. Nous, on a eu une vidéo de l’enterrement, mon frère est décédé. Qu’est-ce qu’on fait ?", s’interroge Azziza, la sœur de Sami.
Des procédures juridiques interminables. La dizaine de parents que nous avons contactés sont dans la même situation. Certains reçoivent encore la déclaration de revenus de leur fils. D’autres ne sont pas autorisés à inscrire le nom de leur enfant sur une plaque, au cimetière, pour se recueillir. Seule solution : faire une demande de "présomption d'absence" au tribunal, comme un décès "provisoire". Une procédure qui peut prendre de 15 à 20 ans.