Cinq ans après les tueries de son frère, Abdelghani Merah a entamé une longue marche à travers la France, reprenant l'itinéraire de la "Marche des beurs" pour alerter sur la montée de l'intégrisme religieux.
Parti seul de Marseille. Abdelghani, l'aîné de la fratrie, a dénoncé en 2012 les actes de Mohamed Merah et la radicalisation de son autre frère, Abdelkader, qui sera jugé en octobre pour complicité dans les assassinats de son cadet. "Je sais que mon frère a traumatisé la France en 2012 en pleine campagne présidentielle. Je vais essayer cette année de faire entendre la voix d'un autre Merah", explique-t-il.
Parti seul de Marseille il y a une semaine, il suit le parcours de "la marche pour l'égalité et contre le racisme" organisée en 1983 après le meurtre raciste d'un enfant de 13 ans. Il espère être reçu à Paris par le ministre de la Justice à son arrivée. "Je marche pour le vivre ensemble, contre les discriminations et pour cette jeunesse déboussolée. Et puis l'affaire Théo, ça donne des armes aux prédicateurs pour cracher sur la France", ajoute-t-il.
25 à 40 km par jour. Il marche 25 à 40 kilomètres par jour et dort à la belle étoile, en appelant le 115 ou en étant logé par le réseau "la Brigade des mères" ou l'association Forces laïques qui le soutiennent. "Je comprends qu'on puisse avoir des préjugés parce que c'est le frère Merah mais lui qui a vécu au milieu du terrorisme est tellement bien placé pour en parler. Et aujourd'hui, on attend quoi ? Le prochain attentat ? Il faut qu'on prenne conscience et qu'il y a Marine Le Pen qui monte", juge Nadia Remadna, fondatrice de la "Brigade des mères". "On le soutient dans son combat pour dénoncer l'islamisme radical.", surenchérit Céline Florentino de Forces laïques, organisation qui coordonne une vingtaine d'associations.
Sans domicile et sans travail. Toutes deux s'alarment aussi de sa précarité, Abdelghani ayant tout quitté après avoir dénoncé son frère. Aujourd'hui, pratiquement sans domicile et à la recherche de travail, il tente de reprendre pied mais ce n'est pas facile quand on s'appelle Merah. Il sera de passage la semaine prochaine dans le quartier des Minguettes à Vénissieux d'où étaient originaires certains "marcheurs" de 1983. "Je suis d'accord pour le recevoir mais cette marche, je ne vois pas ce que ça va changer. Y'a eu deux marches, une en 83, une en 2015 mais le gouvernement a abandonné les quartiers", juge Arbi Rezgui, un des marcheurs de 83.
Le 15 octobre 1983, une vingtaine de personnes partaient dans l'indifférence générale de Marseille. A leur arrivée à Paris, 100.000 personnes avaient rejoint les marcheurs.