Le parquet de Paris a demandé un procès pour Bernard Tapie et cinq autres personnes dans l'enquête sur l'arbitrage qui a permis à l'homme d'affaires de toucher 404 millions d'euros pour régler son litige avec le Crédit lyonnais, a-t-on appris de source judiciaire.
"Détournement de fonds publics". Dans son réquisitoire signé le 6 mars, le ministère public demande que soient jugés devant le tribunal correctionnel Bernard Tapie, son avocat Maurice Lantourne, le PDG d'Orange Stéphane Richard, à l'époque directeur de cabinet de la ministre Christine Lagarde à Bercy, l'un des trois arbitres chargés de rendre la sentence contestée, Pierre Estoup, et enfin Jean-François Rocchi et Bernard Scemama, alors présidents du CDR et de l'EPFR, les entités chargées de solder l'héritage du Crédit lyonnais.
Le parquet requiert que ces six protagonistes de ce scandale politico-financier soient renvoyés pour "escroquerie en bande organisée". Il requiert que l'ancien patron de l'Olympique de Marseille soit également jugé pour "détournement de fonds publics" et les cinq autres pour complicité de ce délit. Il appartient désormais aux juges d'instruction de décider de les renvoyer ou non en procès.
Sentence annulée au civil. L'information judiciaire, ouverte en 2012, porte sur l'arbitrage, une sentence privée, qui a octroyé en 2008 404 millions d'euros à l'ancien ministre de François Mitterrand, dont 45 au seul titre du préjudice moral, pour trancher le litige, vieux de plus de 20 ans, avec le Crédit lyonnais sur la vente d'Adidas en 1994. Au civil, la justice a définitivement annulé en juin cette sentence, estimant qu'elle était entachée de "fraude".
Au cours de leurs investigations, les juges d'instruction ont dressé le scénario d'un "simulacre" d'arbitrage, biaisé au profit de Bernard Tapie. Leurs investigations ont notamment mis en lumière les relations "anciennes" et "dissimulées" entre Pierre Estoup et Me Lantourne qui avaient travaillé ensemble sur plusieurs dossiers dans le passé. Avec des interrogations sur le rôle joué par le pouvoir sarkozyste de l'époque, car la décision de tourner le dos à la justice ordinaire et de choisir la voie arbitrale, finalement favorable à Bernard Tapie, avait les faveurs de l'Elysée.
Christine Lagarde, à l'époque ministre de l'Economie et aujourd'hui directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) a été reconnue le 19 décembre coupable de "négligence" dans ce dossier par la Cour de justice de la République, mais dispensée de peine et d'inscription au casier judiciaire, une décision qui a suscité de vives critiques.