"Nous ne laisserons plus rien passer dans l'Education nationale s'agissant des questions de pédophilie", a assuré Najat Vallaud-Belkacem vendredi, lors d'une conférence de presse. La ministre de l'Education a présenté les mesures récemment mises en place pour lutter contre "les faits portant atteinte à l'intégrité physique ou morale des mineurs" dans le primaire ou le secondaire. Ces mesures ont été publiées vendredi dans un nouveau décret et prévoient un certain nombre de "gardes fous".
Multiplier les "regards". Dans son nouveau décret, la ministre commence par rappeler les obligations de base de ses fonctionnaires. "Tout fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, doit en donner avis sans délai au procureur de la République". Mais les agents de l'Education nationale ne doivent plus se contenter de prévenir la justice. Toute la hiérarchie doit désormais obligatoirement être prévenue, y compris la (ou le) ministre. "Il doit y avoir un deuxième regard qui soit celui du ministère lui-même. En cas de décision prise sur une affaire de mœurs, quelle que soit cette décision, elle doit être remontée au ministère pour vérifier que la sanction est bien proportionnée", insiste la ministre vendredi.
Une fois toute la hiérarchie prévenue, c'est à une commission disciplinaire de se prononcer sur la suspension éventuelle du fonctionnaire concerné. Histoire de s'assurer que ses membres ne font pas d'erreurs de jugement, la ministre demande même un "troisième regard" : les recteurs et inspecteurs d'académie devront ainsi "présider personnellement les commissions" dans les affaires de mœurs concernant les mineurs. "Il s'agit évidemment d'un durcissement de la procédure disciplinaire mais ce durcissement me semble indispensable. C'est une façon de responsabiliser certains d'entre nous et de garantir par des procédures strictes les erreurs d'interprétation", conclut la ministre.
Nouveau cadre d’actions pour protéger les mineurs contre les faits de pédophilie et de violences cc @justice_gouvhttps://t.co/jrdQh94LIh
— Éducation nationale (@EducationFrance) 22 avril 2016
Des "garde-fous". À ces trois regards, s'ajoute un autre "garde-fous", ajoute la ministre. Il passe par une meilleure coopération entre le ministère de l'Education nationale et la celui de la Justice. Le but : que les commissions disciplinaires de l'Education nationale soient au courant des éventuels antécédents judiciaires d'un suspect, même s'ils portent sur des faits commis dans la sphère privée. Une loi, adoptée la semaine dernière et dont le décret devrait être publié le mois prochain, viendra préciser la liste des documents que l'Education nationale sera autorisé à demander à la Justice.
"La matérialité des faits s'impose quand le jugement est définitif", précise encore la ministre. Autrement dit : les commissions disciplinaires ne peuvent pas passer outre les condamnations. En clair, un professeur condamné doit être un professeur sanctionné.
Ce plan aurait-il empêché les précédentes affaires ? La publication de ce décret n'intervient pas dans un contexte anodin. Un professeur de mathématiques Villemoisson-sur-Orge (Essonne) a été mis en examen le 18 février 2016 pour agression sexuelle d'un mineur de moins de 15 ans et détention d'images pédopornographiques. Le lendemain, la ministre a elle-même dévoilé qu'il avait déjà été condamné en 2006 en Grande-Bretagne pour des faits similaires lors d'une colonie de vacances. L'enseignant avait pu continuer à exercer malgré sa condamnation en Grande-Bretagne : la commission mixte paritaire académique du rectorat de Versailles avait proposé en 2007 qu'aucune sanction ne soit prise à son encontre. Selon le gouvernement, qui se base sur un rapport de l'Inspection administrative, si la commission avait eu accès à toutes les informations de la part de la justice, le professeur aurait été sanctionné. En effet, dans d'autres dossiers impliquant des mineurs, la commission disciplinaire avait prononcé des sanctions sévères, avec quatorze révocations ou mises à la retraite d'office.
Un autre scandale de pédophilie avait éclaté au printemps 2015 à Villefontaine, une commune de l'Isère : un directeur d'école avait été mis en examen pour viols d'une partie de ses élèves alors qu'il avait déjà été condamné pour recel d'images pédopornographiques en 2008, sans que l'Éducation nationale en soit informée. Depuis Villefontaine, le ministère a engagé la vérification des casiers judiciaires de ses agents, pour s'assurer qu'il ne reste pas dans les classes des enseignants "qui auraient été condamnés sans qu'on en soit informés. Une meilleure coopération avec le ministère de la Justice devrait permettre, en théorie, d'empêcher ce type de situations.