"Pourquoi Sabrina ? Pourquoi nous ?" Plus de quatre ans après les faits, Yves Vasseur attend beaucoup du procès de la fusillade qui a coûté la vie à sa fille. "Ils ne se rendent pas compte de ce que c'est, de détruire une famille comme ça", confie-t-il à Europe 1, avouant espérer "une peine maximale" pour Fayçal Mokhtari et Djelloul Cherifi. Le premier est accusé d'avoir fait feu sur la devanture du Theatro, une discothèque lilloise dont on venait de lui refuser l'entrée. Le second, son compagnon de soirée, de l'avoir aidé dans sa fuite. Tous deux comparaissent devant la cour d'assises du Nord, à partir de lundi.
Une promesse de vengeance. Les faits remontent au 1er juillet 2012, vers 2h30 du matin. Rue Gambetta, à une centaine de mètres de la place de la République, Fayçal Mokhtari et Djelloul Cherifi se présentent à l'entrée du Theatro, une discothèque connue pour sa musique RnB. Passablement éméchés, les deux hommes ont déjà écumé de nombreux bars du centre-ville de Lille. "Quand je les vois arriver, je sais qu'on ne les laissera pas rentrer", raconte le videur à La Voix du Nord. Au-delà de leur état d'ébriété, le physionomiste se méfie de la réputation des deux hommes, impliqués dans plusieurs "incidents" en boîte de nuit.
Fayçal Mokhtari insiste, force le passage. Le videur l'arrête. "Il me répond de ne pas le toucher et m'assène un coup de poing au menton", se souvient-il. L'altercation se termine lorsque l'agent de sécurité sort une matraque télescopique. Les deux hommes consentent à quitter les lieux, jurant de revenir se venger : "je vais tous vous crever". Habitué à ce genre de menaces, le personnel ne les prend pas au sérieux.
Dix-huit tirs de kalachnikov. Pourtant, quelques minutes plus tard, Fayçal Mokhtari est bien de retour, "le regard fou", selon un témoin. Armé d'une kalachnikov, il tire à dix-huit reprises sur la devanture de la boîte de nuit, avant de sauter dans le véhicule où l'attend son complice. La fusillade fait deux morts : Sabrina Vasseur, 26 ans, responsable du vestiaire de la discothèque, et Hamza Belaïdi, un client d'un an son aîné. Six personnes sont gravement blessées aux membres inférieurs.
Les deux hommes grillent tous les feux rouges et prennent la fuite, bien avant que la rumeur de la fusillade ne se propage. Dans un climat de psychose, leur traque dure cinq jours, les enquêteurs s'orientant d'abord vers une planque belge. C'est finalement à Figueras, en Espagne, d'où ils espéraient pouvoir rejoindre le Maghreb, que Fayçal Mokhtari et Djelloul Cherifi sont interpellés le 6 juillet.
"J'ai trébuché, j'étais tellement saoul". Durant ses interrogatoires, le tireur affirme avoir reçu des coups de matraque de la part du videur, et ne cesse de répéter qu'il n'a jamais eu l'intention de tuer : "j'ai trébuché, j'étais tellement saoul… J'ai dirigé l'arme vers le haut et une première rafale est partie." Une thèse invraisemblable pour l'accusation :"ce n'est pas 'je veux rentrer dans une boîte, il y a une altercation, je sors un couteau et je frappe'. C'est 'je repars en disant je vais revenir et je vais vous buter et je reviens avec une kalach et je tire en rafale'", invoque l'avocate de la famille de Hamza Belaïdi, Me Blandine Lejeune
D'où provenait l'arme, que les deux hommes s'accusent mutuellement d'avoir apporté dans la voiture ? Fayçal Mokhtari ignorait-il, comme il le prétend, que la kalachnikov était chargée ? Djelloul Cherifi savait-il que son compagnon de soirée avait l'intention de tirer lorsqu'ils sont revenus devant la discothèque ? Autant de questions auxquelles devra répondre le procès, qui doit durer jusqu'à vendredi. Le verdict est attendu le 6 décembre.