C’est un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Plus de 25 ans après son abandon définitif, la consigne pour les bouteilles pourrait bien faire son grand retour en France. Officiellement, l’idée est simplement à l’étude au ministère de la Transition écologique. Mais le gouvernement considère très sérieusement le retour de la consigne, considérée comme une solution viable aux failles du recyclage des déchets.
Le plastique oui, le verre non. Le dispositif de consigne, soit le fait d'associer un emballage à une caution que le consommateur paye à l'achat du produit et récupère sous forme monétaire ou de bon d'achat lorsqu'il le restitue, pourrait s'appliquer aux bouteilles en plastique, aux canettes et aux piles. Le gouvernement souhaite en effet "explorer d'autres modèles de collecte" afin d'arriver à recueillir l'ensemble des produits recyclables. Les emballages en verre ne seraient pas concernés par le dispositif, leur taux de collecte étant déjà "élevé" (86%).
Abandonnée progressivement à partir des années 1970 en France, la consigne des bouteilles en verre a été reléguée aux oubliettes en 1992 quand l’État a instauré une contribution financière des producteurs à la chaine de gestion des déchets. Depuis, le sujet s’est transformé en serpent de mer de l’économie circulaire. En 2013, le projet de la mairie de Paris de rétablir les consignes pour le verre et le plastique est resté lettre morte. L’année suivante, la mesure faisait partie du plan national de prévention des déchets 2014-2020 mais n’a jamais abouti.
Seulement 60% de plastique recyclé. En parallèle, le système des bacs de recyclage collectifs et individuels s’est généralisé, permettant d’augmenter progressivement le taux de recyclage des déchets. Mais depuis quelques années, un plafond a été atteint. "La performance de la France en termes de collecte et de recyclage des déchets plastique et des canettes est insuffisante. Pour les canettes en aluminium, c’est un taux de recyclage de 45%. Pour les bouteilles en plastique, c’est 60%", a regretté Brune Poirson, la secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique, sur RTL mardi.
" Objectif : 100% de plastique recyclé en 2025 "
Quand on sait que les Français consomment 335.000 tonnes de canettes et bouteilles en plastique chaque année, cela laisse sur le carreau une masse non négligeable de déchets non recyclés. "Le président de la République nous a fixés un objectif ambitieux : 100% de plastique recyclé en 2025", explique Brune Poirson. Pour y arriver, les équipes du ministère de la Transition écologique sont donc parties à la pêche aux idées en lançant en octobre une grande concertation publique avec les acteurs concernés : associations citoyennes, collectivités, éco-organismes…
Inspiré du modèle allemand. Les réflexions doivent nourrir une feuille de route, attendue pour fin mars, qui vise à améliorer la gestion du cycle de vie des produits, de leur conception jusqu'à leur traitement lorsqu'ils deviennent déchets. "C’est seulement une phase de concertation, on regarde toutes les options", a tempéré Brune Poirson sur RTL avant de reconnaître que la consigne est bien "la mesure phare de la consultation citoyenne".
Concrètement, les clients rendraient les bouteilles dans des machines situées dans différents lieux (commerces, lieux publics, entreprises). L'idée serait d'avoir "le plus de points de collecte possible", des acteurs privés et publics pouvant assurer leur gestion, précise le ministère. Le gouvernement s’appuie (comme souvent) sur le voisin allemand. Outre-Rhin, le système de consigne est en place depuis 2003. Les enseignes de distribution ont l’obligation d’installer des machines pour collecter les bouteilles vides. Mais contrairement à l’Allemagne, l'éventuel dispositif de consigne envisagé par l’exécutif devrait s'articuler avec le système de collecte actuel.
Un coût neutre. S’il était décidé, le retour de la consigne frapperait-il les Français au porte-monnaie ? "On ne payerait pas plus cher, le coût serait neutre", assure Brune Poirson. A l’achat, les bouteilles d’eau et autres canettes de soda verraient bel et bien leur prix augmenter du montant de la caution. En Allemagne, il varie selon le contenant : huit centimes pour une canette, quinze pour une bouteille en plastique recyclable et 25 pour les contenants non recyclables. Le gouvernement envisage pour l’instant une fourchette similaire. "La caution ferait partie du prix intégral de la bouteille ou de la canette et varierait entre 5 et 25 centimes", indique la secrétaire d’État.
Il faudrait ensuite rendre les bouteilles en consigne pour récupérer le montant de la caution, en liquide, en bon d’achat ou transformé en don à des associations. En ce sens, la mesure est incitative pour les consommateurs : s’ils ne veulent pas être perdants, ils doivent faire la démarche du recyclage. En Allemagne, le système a fait ses preuves puisque le taux de recyclage est aujourd’hui de 90%.
Bientôt une expérimentation ? Reste que ces bacs de consigne ne régleraient pas tout : dans les grandes villes notamment, où la consommation de repas à emporter génère beaucoup de déchets, rarement recyclés. Résultat, en zone urbaine, le taux de recyclage n’est que de 10% chez nous. "Mettre plus de poubelles de tri dans les rues, les gares et les aéroports pourrait s’avérer tout aussi efficace", rappellent les associations environnementales, comme Zéro Waste France.
Quoi qu’il en soit, si le gouvernement retient l'idée de consigne, des expérimentations seront menées. Des grandes villes comme Paris et Marseille ont notamment déjà manifesté leur intérêt. Du succès de ces expérimentations dépendrait le déploiement du dispositif "sur tous les territoires où cela est pertinent".
La consigne, déjà une réalité à l’échelle locale
Si la généralisation de la consigne à l’échelle nationale est encore une simple esquisse, des initiatives locales existent déjà. En plus des commerçants qui font la démarche de leur côté, des réseaux proposent leurs services aux grandes enseignes. Depuis 2013, Reco-Suez a installé 101 kiosques de collecte dans l’Hexagone sur les parkings de supermarchés. En quatre ans, cela a permis de recycler 128 millions de bouteilles.
En parallèle, l’entreprise Lemon Tri propose ses machines de consigne aux services municipaux de 19 villes et dispose d’une quarantaine de machines dans des supermarchés, principalement en région parisienne. Dans les deux cas, le client gagne (un peu) d’argent : les bouteilles ne coûtent pas plus cher et la consigne rapporte deux centimes en bon d’achat par bouteille en plastique rapportée.